Je soupirais lentement, glissant une main dans mes cheveux, les rabattant vers l'arrière. Une forme de fatigue mentale semblait prendre un à un chacun de mes membres que j'étirais, toujours assise sur ma chaise. Les autres Conseillers semblaient s'agiter dans la salle, bien que la session soit achevé. Ernest se manifesta à ma gauche, me signalant que l'allée était dégagée.
Me remettant sur mes deux jambes, lisant d'un mouvement souffle le pli de ma robe qui devait s'être formé depuis le temps, je me mis en route de la sortie, Ernest devant moi, et Mila derrière. Ernest s'arrêtait de temps à autre, annonçant le nom de la personne qui me faisait face. Un sourire poli et courtois, une légère révérence, une salutation caractéristique et quelques formules de politesse s'enchaînaient la plupart du temps. Parfois, le dialogue pouvait s'éterniser, surtout avec les Conseillers que je tenais comme "amis" au sein du Conseil. Le nom "De la Croix" est en effet un très bon facteur de liens sociaux, comme de regards envieux ou désappointés.
J'ai conscience que nombreux conseillers n'apprécient pas de me voir dans cette salle, bien que nous partagions la plupart du temps les mêmes idéaux. Simplement, une jeune femme aveugle au Conseil, aussi excellent ses résultats soient-ils... Non, parfois, la pilule ne passe pas. Tant que leur médisance ne vient pas me mettre des bâtons dans les roues, je ne vois pas l'utilité de m'en mêler.
Nous quittions finalement la salle, toujours dans la même configuration, alors qu'Ernest s'arrêta à nouveau. Ce dernier dévisageait l'homme en face de lui, cherchant dans sa mémoire le nom qui lui correspondait. Finalement, sa voix monta à mes oreilles. En comptant le délai de réaction d'Ernest, il s'agit sans doute d'une personne que je fréquente peu.
- Mademoiselle, fit finalement l'elfe de maison, Henri Morse.
Ce nom m'était familier. Oui, il est le directeur de la police magique. Affichant le même sourire courtois qui semblait placardé à mon visage chaque jour, j'inclinais la tête, passant ma main droite sur le pan de ma robe du même côté, l'écartant légèrement dans une révérence douce et calculée.
- Bien le bonjour, monsieur Morse. C'est un plaisir de vous rencontrer ici, je ne pensais pas faire votre connaissance en de telles circonstances. Nécessitez-vous, par hasard, ma compagnie?
Je redressais la tête, posant mon regard vers l'endroit approximatif où pouvait se trouver mon interlocuteur, en fonction du placement d'Ernest. Mes elfes de maisons étaient des outils, et des parties de moi. Mila s'approcha un peu de ma personne, sur ma gauche, alors qu'Ernest, lui, se déportait à ma droite. Une mécanique parfaitement huilée.