- Putain, mais lâche-moi à la fin ! Je fais ce que je veux !

L'exclamation de colère fit se retourner quelques Lutra en direction de la porte de leurs quartiers, et celle-ci ne tarda pas à s'ouvrir sur une Alix en tenue de Quidditch, maculée de traces de boue après un entraînement individuel mouvementé, son Eclair de Feu sur l'épaule. En voyant l'expression de la jeune fille, ils se reconcentrèrent tous sur leurs occupations : elle avait la tête des mauvais jours, ceux durant lesquels il valait mieux ne pas la contrarier...ou être prêt à affronter un véritable dragon.
Sur ses talons débarqua Lysandre, qui ne put cependant pas continuer de la suivre car elle s'était engouffrée dans le couloir menant aux chambres des filles, celui-ci étant interdit et surtout impossible d'accès aux garçons grâce à un sortilège.

La jeune fille en ressortit 30 minutes plus tard, douchée et changée, avec apparemment l'intention de ne pas traîner plus longtemps dans la tour de sa guilde. Elle fut étonnée de trouver le jeune homme qui l'attendait toujours, installé dans un fauteuil près du couloir, néanmoins la surprise fit rapidement place à l'exaspération, et c'est d'un ton acerbe qu'elle lui lança :

- Sérieux, t'as décidé de me coller ou quoi ? Va plutôt retrouver Jeanne pour vos échanges de salive gluants.

Lysandre avait droit à ce genre de remarque à chaque fois qu'il abordait sa meilleure amie depuis deux semaines. En fait, depuis son retour de Paris après les vacances de Pâques, Alix oscillait constamment entre la morosité et l'irritabilité extrême, et c'était lui qui en faisait le plus les frais...quand il parvenait à l'approcher ! Car la Lutra partageait désormais tout son temps libre entre la bibliothèque, lieu interdit d'entrée à Lysandre, et le terrain de Quidditch. Le reste du temps, elle disparaissait purement et simplement, et on ne la revoyait qu'à l'heure du couvre-feu.

Ses amis commençaient à s'inquiéter : en effet, ils avaient d'abord pensé que ce n'était que de la mauvaise humeur passagère, mais Alix n'avait pas décoléré d'un poil et c'était des plus étrange venant de cette jeune fille habituellement pleine d'entrain. Seulement, elle envoyait balader toute personne lui faisant remarquer son changement de tempérament, y-compris le seul qui osait tenter une communication quand elle était en rogne. C'était un fait, quelque chose clochait chez la petite sorcière.

Après deux semaines durant lesquelles Alix n’avait fait que l’envoyer sur les roses, Lysandre avait décidé de passer à l’action et la suivait partout depuis le matin en lui collant aux basques. Cette fois, ni les insultes, ni les piques, ni les railleries de la Lutra ne le décourageaient ! Son comportement n’était pas normal, il l’avait remarqué depuis l’instant où elle avait refusé de venir lancer des Bombabouses sur les Cycna qui lézardaient sous les premiers rayons de soleil du printemps.

- Sérieux, t'as décidé de me coller ou quoi ? Va plutôt retrouver Jeanne pour vos échanges de salive gluants.

Il leva les yeux au ciel, lassé de cette remarque et croisa les bras.

"Non."

Et dire qu'il l'avait attendue devant son dortoir pour être sûr de ne pas la louper, il n'allait pas se laisser éconduire comme ça ! Le jeune garçon se remit à la suivre.

"Et puis tu vas causer meilleur aussi. Non mais t'as quoi là, Alix ?! Alix ! Mais bordel attend moi !"

Alors qu'elle lui échappait encore, il la rattrapa par le bras et l'accula contre un mur. En fait, il était beaucoup plus inquiet qu'agacé par l'attitude de la jeune fille, mais il ne savait pas comment faire étant donné qu'elle était incapable de lui parler sans l'envoyer balader en permanence.

"T'es infecte depuis ton retour de vacances. T'as même dit à Merlin d'aller se faire voir chez les ... Sérieux, Alix ... qu'est-ce qui se passe ? Je te jure, tu m'inquiètes."

Alix n'avait même pas pris la peine d'écouter la réponse de Lysandre. S'entendre dire une nouvelle fois que son langage laissait encore plus à désirer que d'habitude ne la tentait pas vraiment. Elle le savait bien qu'elle était désagréable, même carrément agressive, mais c'était plus fort qu'elle. Elle bouillait intérieurement, et elle ne parvenait pas à tout contenir malheureusement. Si le jeune homme avait pu voir l'étendue des dégâts, il aurait été encore plus inquiet que ce qu'il exprimait en cet instant.

- T'es pas mon père, ok ? Alors viens pas me faire la moral, je parle comme je veux. Pis il l'avait cherché...

Si on pouvait appeler "chercher" le simple fait d'avoir fait remarquer à Alix qu'elle avait décalé les boutons de son uniforme en le fermant.
Alix essayait de se dégager mais, avec sa grande taille, son meilleur l'avait coincée et était apparemment décidé à la faire parler. Sauf que c'était précisément ce qu'elle voulait éviter, préférant contenir le raz-de-marée d'émotions enfermé derrière les portes de son coeur. Si elle les ouvrait, il risquait d'être plus fort qu'elle...et elle refusait de craquer !

- Il se passe rien, j'en ai juste marre que tu me suives partout. J'ai des choses à faire, j'ai plein d'entraînements, et puis du boulot pour les cours. C'est sûr, ça parle pas à un cancre, ça.

Une chose était sûre, les professeurs n'avaient jamais vu Alix aussi assidue en cours et rendant tous ses devoirs à temps. Etudier lui permettait de se concentrer sur autre chose, de ne pas penser, car elle ne pouvait pas passer toutes ses journées sur le terrain. Aaron Fillarius avait même dû menacer de lui reprendre son balai pour qu'elle s'arrête enfin après 6 heures d'entraînement consécutives et sans pauses.

Après une nouvelle tentative de fuite de côté ratée, Alix poussa un soupir excédé. L'acculer ainsi était dangereux, c'était au risque de se prendre plus que des mots dans la figure, et ce n'était pas le fait que les autres Lutra observaient la scène sous cape qui allait la retenir.

- Bon, tu me laisses passer maintenant ? Non, lâche-moi...j'ai dit, lâche-moi ! Je te jure, je vais finir par t'en coller une !

Pourquoi s'acharner particulièrement sur Lysandre ? Eh bien, parce qu'il la connaissait mieux que personne, et elle préférait qu'il lui fasse la gueule plutôt qu'il essaye de lui tirer les vers du nez. Parce que face à lui elle ne savait pas combien de temps elle pourrait se retenir de se laisser aller.

Difficile de savoir lequel des deux était le plus têtu. Lysandre était bien décidé à ne pas laisser Alix s'en tirer à si bon compte et l'acculait littéralement contre le mur. Non seulement elle ne voulait pas parler mais il y avait pire : elle l'évitait. Lysandre qui avait beaucoup d'imagination s'imaginait le pire et, surtout, qu'avait bien t-il pu faire pour s'attirer les foudre de sa meilleure amie ? C'était vrai que depuis qu'il était avec Jeanne, il passait beaucoup de temps avec elle et beaucoup moins avec Alix. Mais vu tous les efforts qu'elle avait déployé pour les mettre ensemble, il n'aurait jamais cru qu'elle puisse lui en vouloir pour ça.

Alors que la petite blonde s'énervait contre lui, le Lutra prit le même ton qu'elle.

"Oh, ça va oui ? On est pas ton chien ! Depuis quand tu rends tes devoirs en temps et en heure toi ?"

Et pour Lysandre c'était clairement le signe qui lui indiquait que son amie allait mal, elle s'oubliait complètement dans le travail. Cependant, il était complètement démuni et ne savait plus comment réagir devant l'agressivité et les accès de colère de son amie. Il aurait pu s'en offusquer et se vexer, c'était d'ailleurs certainement l'effet recherché. Mais ça ne décourageait pas l'adolescent qui avait une haute valeur de l'amitié et surtout celle qui le liait à Alix. Lily un jour, Lily toujours !

Elle était toujours à ses côtés, en toutes circonstances, elle l'avait toujours soutenu, même quand des Cycna s'en étaient pris à lui en le traitant de bâtard. Ils avaient d'ailleurs concocté ensemble la plus belle vengeance de leur carrière. Celle qui leur valait encore quelques heures de colle d'ailleurs.

Toutes leurs aventures les avaient rapproché et même plus, les avaient soudés. Il n'était pas envisageable pour Lysandre de laisser Alix sans soutien sous prétexte qu'elle l'envoyait chier dès qu'elle en avait l'occasion.

"Je te jure, je vais finir par t'en coller une !"

"Ah ouais ? T'sais quoi ? Pas de problèmes ! Défoule toi !" Dit-il en écartant les bras.

Elle était bien capable de le frapper, mais ça ne lui faisait pas peur. En fait il était prêt à tout pour qu'elle réagisse enfin et qu'elle décharge un peu de sa colère.

"Par contre j'te rends tes coups."

Fallait pas déconner non plus.

Décidément, il ne voulait pas lui lâcher la grappe. Alix se demandait en quelle langue elle devait lui crier dessus pour qu'il lui fiche la paix. Qu'est-ce que cela arrangerait ? Rien du tout. Mais au moins, s'il se lassait il ne serait plus victime de son ressentiment. La jeune fille savait qu'elle avait tort de s'en prendre à lui, mais elle ne contrôlait plus sa colère. Lysandre venait d'ouvrir les vannes.

- Pfff, parce que tu crois que ça va m'arrêter ? cracha-t-elle en lui assenant un coup violent dans le bras pour tenter de le repousser.

Décharger ainsi son amertume n'avait rien de bon, et ne la soulageait même pas, mais lui donner une telle occasion de se défouler était suicidaire au vu de son caractère bagarreur.

- T'as qu'à me les rendre ! Et puis après tu pourras aller pleurnicher vers ta copine que la méchante Alix t'a tapé. Te plaindre, ça te connait !

Chacune des phrases de la Lutra s'était soldée par un nouveau coup de poing destiné à lui libérer le passage, mais son ami ne bougeait pas d'un pouce. Excédée et n'ayant plus vraiment conscience des limites, elle sortit sa baguette et la lui pointa dessus, avec un regard où se mêlaient les menaces...et un appel au secours masqué.
C'est à ce moment-là que deux de leurs amis présents se décidèrent à intervenir, jugeant que cela allait trop loin et voulant éviter de ramasser Lysandre en morceaux.

- Alix, calme-toi. Il t'a rien fait, alors range ta baguette ! s'exclama un 7ème en tirant sur le bras de la jeune fille qui tenait sa baguette.

De son côté, un autre garçon décalait légèrement Lysandre en lui conseillant laisser son amie tranquille vu qu'elle était de mauvaise humeur.
La jeune sorcière arracha son bras de l'emprise de son ami

- C'est ça, prends sa défense, alors que c'est lui qui m'emmerde. De toute façon, la loyauté ça n'existe plus dans ce putain de monde de merde !

Abasourdi par cette remarque qui semblait presque hors contexte, le 7ème laissa à Alix l'instant qu'il lui fallait pour s'enfuir en profitant que l'attention de Lysandre soit détournée par leur autre ami.
Elle partit en courant dans le couloir et sortit du Palais, filant comme le vent jusqu'à son repère personnel : le dessous des gradins du stade du terrain de Quidditch. Quand Alix avait besoin de solitude, c'était là qu'elle venait se cacher.
Elle se faufila à travers la structure en bois et alla se rouler en boule dans un recoin. La culpabilité d'avoir quasiment agressé son meilleur ami, qui cherchait juste à comprendre pourquoi elle se mettait dans un tel état, l'envahit alors. Cachant sa tête dans ses genoux qu'elle avait relevés, elle se laissa enfin aller, secouée de sanglots silencieux et serrant ses poings à s'en faire blanchir les jointures.

Elle en était capable, et ça Lysandre le savait. Elle ne se priva pas pour le frapper et même l'insulter. Autant il lui rendit ses coups en la bousculant légèrement, il ne répondit pas à ses attaques verbales même si c'était celles qui le blessaient le plus.
A un moment, elle sortit sa baguette, il leva les paumes vers le ciel.

"Wow ! Li !!!"

Il fallu que ce connard d'Augustin Deslandes, qui était très gentil mais qui ne se mêlait pas du tout de ses affaires en ce moment s'interpose et qu'Alix file. Complètement désabusé, Lysandre le bouscula en sortant à la suite de la Lutra.

"La prochaine fois Gus', tu t'occuperas de tes fesses. Nan parce que là, c'est chiant."

Il n'avait aucune idée de l'endroit où elle se trouvait et fît tous les recoins de l'académie en espérant qu'elle ne soit pas à la bibliothèque. Il ne pouvait pas se permettre de prendre le risque d'y entrer. C'est deux heures plus tard qu'il la retrouva sous les gradins, la tête dans les bras. C'était le hasard qui l'avait conduit là, et un peu la déduction aussi parce que Lysandre était capable de réfléchir logiquement s'il s'en donnait la peine. Alix adorait le Quidditch et il était logique qu'elle se terre non loin du terrain quand elle n'allait pas bien, voir carrément dessous comme elle venait de le faire.
Il avait de toutes façons passé le palais au peigne fin, avait même payé en dragées surprise des premières années, bref, il avait tout mis en oeuvre pour la retrouver. La voir prostrée comme ça lui fît de la peine et la culpabilité tomba sur ses épaules d'un seul coup. Il n'avait fait que geindre parce qu'elle était en permanence en colère contre lui mais à aucun moment ne s'était demandé elle, comment elle allait et pourquoi est-ce qu'elle était comme ça.

Doucement, il s'approcha d'elle et passa une main dans son dos.

"Li, me frappe pas. Même si je suis avec Jeanne tu sais bien que je serai toujours là pour toi. Pourquoi t'es comme ça ?"

Démuni, Lysandre attendait une réponse et espérait qu'il n'aurait pas à tirer les vers du nez à Alix, il n'était pas très doué pour ce genre de performance.

En deux heures, Alix n'avait pas bougé d'un poil. Elle avait donné libre cours à sa tristesse, pleurant toutes les larmes de rage contenues depuis que ses parents lui avaient annoncés la nouvelle. Néanmoins, elle ne se sentait pas mieux. Elle détestait ce sentiment d'impuissance et de trahison, tout comme elle avait horreur de se laisser aller. Pleurer, c'était bon pour les faibles ! Alors pourquoi ne pouvait-elle s'en empêcher ?

La jeune fille n'entendit pas son meilleur ami s'approcher discrètement d'elle et ne le remarqua qu'en s'entant une main dans son dos. Elle sursauta et sortit sa tête de ses bras, le regardant avec des yeux rougis et gonflés, les sourcils froncés.

- Li, me frappe pas. Même si je suis avec Jeanne tu sais bien que je serai toujours là pour toi. Pourquoi t'es comme ça ?

- Mais pourquoi tu me parles de Jeanne toi ? Laisse-moi. soupira-t-elle faiblement.

La Lutra allait rétorquer une nouvelle méchanceté pour le faire partir...mais elle n'en eut plus la force. L'inquiétude sincère qu'elle lisait dans les yeux de Lysandre eut raison de ses tentatives de garder pour elle ce qui la mettait dans un tel état, et c'est en pleurant à nouveau qu'elle se laissa aller contre lui.

- Je suis désolée Lyly ! s'excusa-t-elle entre deux sanglots.

Elle ne s'était jamais montrée ainsi devant personne, pas même à son âme soeur qu'était Lysandre. Il fallait dire qu'Alix avait l'impression de perdre les repères qui avaient fondé son existence, et les piliers qui maintenant toutes ses convictions.

- C'est mes parents...ils vont divorcer.

La jeune sorcière l'avait appris pendant les vacances de Pâques qu'elle avait passées à Paris chez ses parents. Ou chez sa mère, en l’occurrence. Alix avait eu la surprise de ne trouver qu'elle et Christophe, son frère, à son arrivée...et le soir même, son père s'était enfin montré et ils lui avaient expliqué le pourquoi de cette situation. Diane et Thibault Vannier s'étaient séparés peu après Noël, ce dernier habitait désormais un petit appartement à Brocéliande, et ils avaient préféré attendre de le lui annoncer de vive voix plutôt que par hibou postal.
Alix avait très mal pris la nouvelle et elle s'était enfermée dans sa chambre pendant toutes les vacances. Même Chris n'était pas parvenu à la dérider, et elle avait repris le portoloin pour Beauxbâtons sans leur avoir adressé un seul mot en 2 semaines.
Elle en voulait à ses parents de briser leur cocon familial, à son frère de ne pas lui avoir parlé plus tôt, à la terre entière de simplement exister !

Jamais Lysandre n'avait vu Alix dans cet état. Il ne savait pas ce qui lui arrivait, si c'était de sa faute ou non. Mais quelle qu'en soit la raison, il était prêt à l'aider et rien de ce qu'elle dirait contre lui ne le découragerait à moins qu'il soit la source du problème, et là, il ferait tout pour réparer.
Quand il la retrouva, elle ne se rendit pas compte tout de suite de sa présence, il l'avait approchée comme un chaton apeuré et l'avait accueillie dans ses bras quand elle en avait eu besoin.
Alix ne comprenait pas pourquoi il en ramenait la cause à Jeanne.

"Je sais pas ... mais ..."


Il s'arrêta de parler quand la jeune fille se confondit en excuses.

"Mais pourquoi ?"


Fini les questions ! Il décida de la laisser s'épancher à sa guise.

"Dit moi ce qui se passe ..."


Parce que sans ça, il ne voyait tout simplement pas comment l'aider. C'est alors qu'elle lui dit que ses parents allait divorcer et pour Lysandre qui n'avait jamais connu sa famille unie, il avait du mal à imaginer le déchirement que cela pouvait représenter. Il ne pouvait que compatir, sans trop savoir quoi dire.

"Je suis désolé Alix, je ne sais pas trop quoi te dire, mais si je peux faire quoi que ce soit pour t'aider ... Si tu veux venir les prochaines vacances chez moi au pire c'est possible ! Enfin, si tu as besoin de parler, ou pas, de rigoler, tout ça, enfin je suis là quoi. Je te laisserai pas tomber c'est promis."

Il frotta son dos affectueusement. Lysandre était complètement démuni devant la détresse de son amie et ne voyait pas ce qu'il pouvait proposer pour l'aider à aller mieux ..

Alix laissa couler ses larmes sans interruptions pendant quelques minutes, ne comprenant pas comment il était possible que ses glandes lacrymales puissent en produire encore. L’étreinte de Lysandre la calma légèrement, lui faisant sentir qu’elle n’était pas seule face à sa tristesse, même si le jeune homme semblait clairement emprunté et ne pas savoir quoi dire pour la consoler. De toute façon, il n’y avait pas grand-chose à dire, elle aurait juste voulu se réveiller que cela ne soit qu’un mauvais rêve.

Au bout d’un moment, la jeune Lutra se frotta les yeux, séchant ses derniers sanglots. Elle voulait se reprendre, se laisser aller à la déprime n’était pas son genre et elle détestait avoir le sentiment qu’elle s’apitoyait sur son sort, raison pour laquelle elle se laissait plutôt envahir par la colère qu’elle ressentait envers ses parents en cet instant.

- Merci. C’est vrai ? Je pourrais pas carrément habiter chez toi maintenant ? demanda-t-elle en s’écartant de Lysandre.

Elle savait bien que ce n’était pas possible, mais en cet instant elle avait un peu de difficulté à raisonner avec maturité et encore moins à essayer de comprendre ses parents.

- Je ne leur parlerai plus jamais. Déjà qu’ils m’ont menti depuis noël…même Chris ! Il m’a rien dit alors qu’il voyait bien ce qu’il se passait entre eux.

Alix en voulait à son frère, qui pourtant n’avait que voulu la protéger et laisser leurs parents gérer l’annonce de la nouvelle. Elle avait l’impression qu’il prenait leur parti alors qu’il aurait dû se montrer solidaire avec elle, et elle se sentait trahie.

- Ah, elles sont belles leurs leçons de moral ! « L’intolérance c’est moche…faut être honnête avec soi et les autres…les sorciers, les moldus, les hybrides, tout le monde peut s’aimer »…Ouais bah eux ils se gênent pas pour jeter l’éponge et briser leur famille quand ça ne va plus ! Je les déteste !

L'idée de vivre avec Alix un jour n'était pas pour déplaire à Lysandre et il nota cette idée dans un coin de sa tête pour plus tard.

"T'auras qu'à venir aux prochaines vacances !"

Si au moins cela pouvait la sortir de sa morosité, et lui cela lui ferait plaisirs d'avoir Alix avec lui pendant une partie des vacances. Il ne partait jamais et son HLM de la région parisienne l'ennuyait profondément.

"Mais tu sais, peut-être que tu devrais pas en vouloir autant à Chris, si ça se trouve, il ne te l'a pas dit parce qu'il ne voulait pas te faire de peine. Tu sais des fois ma mère avec son mec ils se disputent mais ils ne se séparent pas pour autant."

Il serra encore Alix contre lui, ne voulant pas l'inonder plus avec ce qu'il y avait dans sa propre vie, parce que des beaux pères potentiels, Lysandre en avait vu défiler plus d'un, le pire ayant été ce sorcier du Grand Conseil qui voulait s’immiscer un peu trop dans leur vie privée selon lui.

"Ma mère elle dit souvent que les amis c'est la famille qu'on se choisit."

Il ne trouva que ça pour réconforter Alix, mais c'était parce que ça le réconfortait lui-même. Il n'avait pas vraiment de famille en dehors de sa maman, elle s'était fâchée avec tout le monde quand elle avait décidé de le garder et c'était à peine s'il existait pour ses grands parents.

Ceci dit, il ne voulait pas qu'Alix continue à être morose.

"Franchement, la prochaine fois, défoule toi sur Jules-Magnus ..." lui dit-il en riant. "Ou sur Merlin, ça l'apprendra à embrasser ma copine, même pour le théâtre. En plus faut pas oublier que s'il est malade c'est moi qui aurait le rôle."

Les petites touffes d'herbes qui avaient le malheur d'avoir poussé là étaient maintenant éparpillées devant les jambes d'Alix, qui les avait arrachées rageusement une à une en même temps qu'elle expliquait son ressentiment à Lysandre.
Elle lui lança un regard reconnaissant quand il proposa qu'elle vienne chez lui aux prochaines vacances. De toute manière, ils passaient déjà la majeure partie de leur vacances ensemble, se retrouvant sur Paris même là où vivait Alix ou dans la banlieue de Lysandre, cela ne serait pas un changement incroyable pour les parents de la jeune sorcière. Mais si en plus elle pouvait squatter chez lui, cela lui plairait beaucoup. Elle serait donc obligée de reparler à ses parents pour au moins leur demander la permission...enfin à sa mère, vu que son père vivrait à Brocéliande...ou à lui aussi par hibou ? Ca y est, cette histoire recommençait déjà à lui prendre la tête !

Elle secoua la tête, ne voulant rien entendre qui puisse justifier le comportement de Chris et se fermant à tout raisonnement d'apaisement. Si elle n'était plus en colère, c'était comme si elle acceptait leur décision, et ça c'était hors de question !

- Je m'en fiche de ses raisons, c'est mon frère. Il est sensé être de mon côté ! Là il a essayé de me dire "non mais tu comprends..."...bah non ! Je ne comprends pas !

La jeune fille posa sa tête contre l'épaule de son meilleur ami, un peu réconfortée par son soutien indéfectible. Elle savait que sur lui au moins elle pourrait toujours compter, il était son frère de coeur, son jumeau maléfique.

- Pffff...vivement qu'on ait la majorité. On n'aura plus besoin de vivre chez nos parents, on pourrait même se faire une coloc !

Elle connaissait la situation familiale de Lysandre, et savait que lui aussi avait dû supporter des configurations pas très heureuses. Elle se souvenait qu'il avait particulièrement pesté contre un homme qui prenait trop de place dans la vie de sa mère selon lui. Décidément, les adultes étaient tous vraiment nuls et égoïstes !

Alix finit par se dérider lorsqu'il mentionna Jules-Magnus, et elle laissa même échapper un rire.

- Parce que tu crois que je ne me suis défoulée que sur toi ?!...Encore désolée pour ça, j'étais vraiment nulle.

Parler d'autre chose, comme merlin qui allait embrasser Jeanne allait lui changer les idées. Elle avait pu s'épancher, cela lui avait fait du bien...mais Alix ne supportait pas de pleurer sur son sort trop longtemps !

- Oh bah tu sais...une potion de sommeil, ça se glisse facilement dans un jus de citrouille le matin de la première. dit-elle avec un regard entendu.

Elle n'avait rien contre Merlin en particulier, mais elle préférerait que cela soit son Lyly qui joue le premier rôle...et puis pour Jeanne aussi, elle était sûre qu'elle préférerait embrasser son petit ami !

- Parce que sinon je te plains...tu vas devoir admirer un gros roulage de pelle entre ta copine et lui depuis les coulisses.

L'idée de faire une coloc' avec Alix était franchement séduisante et même s'ils étaient trop jeunes pour mettre ce projet en œuvre, Lysandre nota cette idée dans un coin de sa tête quelque-part pour y repenser dès qu'il aurait quitté l'école.

"Super idée Li'.

Alix lui présenta une fois de plus ses excuses pour avoir pété les plombs et s'être défoulé sur lui, Lysandre secoua la tête doucement.

"T'en fait pas pour ça, tu sais bien que je suis là pour ça. Et puis de toutes façons tu m'as même pas fait mal ... avec tes petits poings."

Lysandre s'arrêta là pour ne pas donner à Alix l'idée de se servir de sa batte de Quidditch la prochaine fois qu'elle se mettrait en colère.
Puis la discussion dériva sur les 1001 manières d'empêcher Merlin de jouer lors de la fête de fin d'année de l'académie. Puis l'idée de voir Merlin rouler un patin à Jeanne devant tout le monde, franchement, lui donnait des sueurs froides, mais bon. Il relativisait, il l'avait déjà fait lui-même pour les besoins de l'art dramatique, mais il l'aurait certainement pris différemment s'il ne se battait pas tous les ans avec lui pour le premier rôle.

Lysandre finit par passer son bras autour des épaules d'Alix. La Lutra était la seule sur qui il pouvait compter en toutes circonstances et ça, il le savait. Il ne trouverait jamais d'amie plus fidèle et plus dévouée qu'elle.

"Ca fait plaisirs de te revoir sourire en tous cas ma Li'. Mais la prochaine fois, vient me parler avant ... Tu sais que tu peux tout me dire hein ? Et puis ... t'es pas obligée de supporter ça toute seule."

- Comment ça mes petits poings ? Je suis musclée moi, avec le quidditch ! protesta Alix en riant.

Son esprit s'était déjà mis en marche pour imaginer comment concocter une potion de sommeil discrètement, ça ce n'était pas compliqué, il lui suffirait de se cacher aux cachots le temps qu'elle mijoterait. De plus, la préparation d’élixir appris en deuxième année était un jeu d'enfant pour la jeune Lutra, qui était plutôt douée dans cette matière. Bon, elle avait encore le temps d'y penser, le spectacle n'ayant lieu qu'à la fin de l'année scolaire...avant cela, elle devait régler avec sa conscieence le fait qu'elle jouerait un mauvais tour à un camarade qui ne lui avait rien fait de mal. Mais le Lily avant tout, non ? Si Lysandre s'y décidait, elle lui filerait un coup de main.

- Ca fait plaisirs de te revoir sourire en tous cas ma Li'. Mais la prochaine fois, vient me parler avant ... Tu sais que tu peux tout me dire hein ? Et puis ... t'es pas obligée de supporter ça toute seule.

Alix hocha la tête, même si elle n'était pas persuadée de suivre son conseil dans l'avenir.

- Oui, j'sais bien...mais t'es pas obligé de devoir en pâtir alors que c'est pas tes parents...pis j'aime pas casser l'ambiance...bon, d'accord d'accord, c'est ce que j'ai fait en te disant rien, mais...

La jeune sorcière rougit comme une gamine prise en faute. A vouloir toujours jouer les dures, elle en oubliait parfois qu'elle avait aussi le droit de vivre ses tracas et peines, comme tout le monde.
Finalement, elle capitula et fit un sourire à son ami.

- Ok, promis : si ça va pas, je viendrai t'en parler plutôt que de t'en faire baver avant.

Elle le serra contre elle, heureuse de l'avoir comme soutien et le coeur bien plus léger que lorsqu'elle était sortie de leurs quartiers. Puis elle planta un baiser sonore sur sa joue en affirmant haut et fort : - T'es le meilleur, Ly' ! J't'adore !

Après cette petite déclaration d'amitié, Alix se releva et secoua ses jambes engourdies d'être restée assise et prostrée tout ce temps.

- En tout cas, avec tout le temps que j'ai passé sur le terrain, j'ai fait vachement de progrès. Hier le Prof' m'a même fait faire un exercice réservé aux pros normalement...et bah je l'ai mieux réussi que certains joueurs des grandes équipes selon lui !

Elle pouvait enfin raconter fièrement à son ami l'entraînement haut en couleurs de la veille, tandis qu'ils prenait le chemin du retour en direction du palais.

Lysandre allait répondre à Alix qu'il en avait plus pâti lorsqu'elle s'était défoulée sur lui que si elle ne lui avait rien dit mais elle le devança et il rit avec elle.

- T'inquiète pas pour ça !

Il garda un bras autour de son épaule tandis qu'ils rentraient vers leurs quartiers. Ah ça, l'attitude qu'ils avaient l'un envers l'autre, parfois, pouvait conduire à les prendre pour un petit couple d'adolescents plus que pour une paire d'amis, mais Alix et Lysandre n'en avaient pas grand chose à faire, le cadet de leurs soucis c'était bien les regards extérieurs.


Il écouta intéressé Alix parler de ses exploits au Quidditch, même si ce sport ne l'intéressait pas il n'était jamais contre aller voir un match et il était de toutes façons fier des exploits de sa meilleure amie dans ce domaine tout comme elle était fière de ses prestations au théâtre ou à l'orchestre.

- Ah ouais ? Sérieux, il devrait te recommander dans une équipe pro !

Lysandre le pensait sincèrement, il voyait tout à fait Alix faire carrière dans le Quidditch il ne faisait aucun doute qu'elle en aurait les capacités bientôt. Il n'était certes pas très objectif et sa méconnaissance des performances des autres joueurs jouait en la faveur de cet avis, mais quoi qu'Alix fasse, elle aurait son soutien, de toutes manières.

Ils rentrèrent ainsi dans leur quartier comploter contre une bande de Cycna, bref, la routine.