Alceste était le genre d'élève qui pouvait être très satisfaisant pour un Professeur, parce qu'il ne pouvait que progresser. Et il était vrai que depuis son entrée à l'Académie, ses progrès étaient remarquables et ce, dans toutes les matières. Il mettait beaucoup d'énergie dans le travail, mais il en prenait beaucoup aussi. On l'aimait autant qu'on le détestait, en fait, parce qu'Alceste, c'était le genre d'étudiant qui comprenait vite, mais à qui il fallait expliquer longtemps.
Pourtant, il était drôlement faisant, et voulait à tout prix réussir ses examens de fin d'année pour se lancer dans l'apprentissage d'un métier. N'importe lequel, pourvu qu'il trouve quelqu'un qui veuille bien lui apprendre, parce qu'il ne se lassait pas d'apprendre.

Il avait un travail supplémentaire à faire en potion. Ou une retenue. C'était égal. Bref, le Professeur le laissait en autonomie dans la salle, parce qu'il savait qu'il lui rendrait un travail avant minuit, correct ou non. Alceste avait pour consigne de concocter un philtre de confusion, de le déposer sur le bureau accompagné d'un parchemin détaillant sa démarche, de nettoyer son chaudron et de ranger sa paillasse avant de partir.

Concentré, le quart de géant ne s'était pas aperçu que quelqu'un était entré dans la salle. Il était imperturbable !

Il y avait plusieurs lieux en particuliers où l'on avait des chance de croiser Alix. Au sous-sol, il n'y en avait que deux précis où elle traînait en-dehors des cours : les cuisines...et la Salle des Potions. En conseil de classe, les professeurs de Métamorphose, d'Herbologie ou d'Histoire pouvaient toujours dire qu'elle pouvait faire des progrès et devrait être plus attentive, celui de Potions en revanche était satisfait au-delà de ses espérances avec la petite Vannier. Car si la demoiselle ne possédait pas des dons magiques dignes d'un prix, elle excellait en potions en revanche !
Pourquoi les potions ? Grand mystère ! Néanmoins, c'était un fait qu'elle savait son affaire au-dessus d'un chaudron et que cela l'amusait grandement. C'était la même chose que de concocter des cocktails pour ses fêtes clandestines, en fait !

C'est donc tout naturellement qu'Alix entra dans la classe pour récupérer son chaudron qu'elle avait laissé là l'après-midi par flemme de le nettoyer. Elle fut surprise d'y voir Alceste qui paraissait très absorbé par une mixture aux vapeurs peu prometteuses.

- Salut !, s'exclama la Lutra avec chaleur sans égard pour la concentration du jeune homme, Tu fais quoi ?

Elle passa à côté de lui tandis qu'il lui répondait et prit son chaudron qui était sur une table voisine. Le tenant par l'anse, elle revint vers son ami et observa sa potion qui n'avait pas l'apparence attendue d'une potion de confusion...pas à un seul moment du processus.

- Boh c'est pas compliqué...mais je crois que tu t'es gouré en-NON METS-LES PAS COMME CA !, s'écria-t-elle en s'interrompant au milieu de son commentaire et lâchant son chaudron avec fracas pour attraper la main d'Alceste.

Le pauvre fou voulait incorporer la livèche d'un seul coup !

Il avait les yeux plissés au-dessus de son manuel et les traits tordus par la concentration. Il lisait et relisait la recette, en notant les moment où il était susceptible de faire des erreurs. La dernière fois, sa potion avait été ratée parce qu'il l'avait mélangée dans le sens anti-horaire et son esprit tout entier était monopolisé par ce geste. Vers la gauche, ou vers la droite ? Bon ! Dans un premier temps, il fallait d'abord mettre les ingrédients !
Alceste s'était organisé ! Il les avait dosé pour les ajouter à la mixture sans perdre de temps, rangé de gauche à droite dans le bon ordre ...

Oui, ça aurait été parfait si l'arrivée d'Alix ne l'avait pas perturbé (pardon mais c'est qu'il faut bien un coupable ...)

- Salut ! dit la Lutra avec énergie.

- Salut ... répondit mollement Alceste avant de soupirer parce qu'il avait perdu le fil de sa lecture.

- Tu fais quoi ?

Ca ne se voit pas, non ? Je tricote ! Voilà ce qu'il rêvait de répondre à la jeune fille multicolore qui, toute adorable qu'elle était avec lui, le dérangeait.
Mais comme c'était Alceste, il ne dit que :

- Ben ... J'essaye de faire une potion de confusion mais ça foire ...

Mais Alix n'avait pas besoin qu'il lui dise ce qu'il était en train de rater pour deviner qu'il ne s'y prenait pas du tout de la même manière. Distraitement, il laissa tomber la livèche dans le liquide bouillonnant et un nuage de fumée bleu épais s'échappa du chaudron.


- Oh non ! Oh noooon !

Alceste battit des bras pour le dissiper ce qui était la chose à ne surtout pas faire, car tout ce que touchait le nuage devint bleu à son tour, y comprit lui-même. Malheureusement, tout ce qu'il faisait ne faisait qu'aggraver la situation, et il ne voyait pas quel sort utiliser pour arranger les choses. Le chaudron commençait à déborder.


- Ohlalalalala ! Alix ! Je ne sais pas quoi faire !!!!

Trop tard ! Alix avait eu beau se jeter sur la main d'Alceste, ce dernier avait déjà ouvert ses doigts et lâché la livèche dans le chaudron. L'effet ne se fit pas attendre et le récipient vomit une épaisse fumée bleue, qui teinta le quart-de-géant au passage.
Bien décidée à ne pas subir les bêtises de son ami, Alix s'applatit au sol pour éviter d'être touchée et rampa jusqu'au étagères où étaient alignés divers bocaux aux contenus plus ou moins étranges.

- Ohlalalalala ! Alix ! Je ne sais pas quoi faire !!!!

- Arrête de gesticuler dans tous les sens pour commencer ! T'en fous partout !, répondit-elle de l'autre bout de la salle, Il faut arrêter le débordement, éteins le feu. Tout de suite !

N'ayant pas le temps de vérifier s'il obéissait à ses consignes, la Lutra farfouillait parmi les pots, à la recherche de mousse argentée. Elle finit par la dénicher et revint avec la même méthode que précédemment jusqu'au chaudron. Pendant ce temps, la fumée avait envahi une bonne partie de la salle, et il lui fut plus compliqué de trouver un moyen de glisser ce désactivateur dans la potion. Néanmoins, ayant mérité sa réputation de fille débrouillarde, Alix sortit sa baguette et d'un simple "Wingardium Leviosa" put introduire la mousse dans le mélange frémissant, qui se transforma aussitôt en une masse grise, inerte et solide qui allait demander à Alceste un sacré décapage.

- Pfiou, c'était moins une ! J'avais pas envie de me retrouver avec la tête bleue, j'ai déjà donné l'année passée.

Alix se releva prestement en époussetant la poussière qui s'était accrochée à ses vêtements tandis qu'elle jouait à la serpillière. Un autre problème subsistait maintenant que le plus grave était derrière : Alceste était...bleu !
Le voir dans cet état perdit son amie dans un grand éclat de rire peu solidaire, et c'est d'un ton moqueur qu'elle commenta :

- Je crois que tu mérites un prix : j'ai JAMAIS vu quelqu'un tirer cet effet d'une potion de confusion.

Alix avait beau lui ordonner de cesser de brasser de l'air, Alceste ne parvenait pas à s'en empêcher. Non seulement cette fumée le teintait en bleu, mais elle était fichtrement corrosive ! Malheureusement pour le Cerva, il ne s'en rendit compte qu'une fois la fumée dissipée : ses vêtements étaient tout bouffés.

- Ah ! Mais ! Mais !

Et quand je vous dit tout, je ne vous parle pas de vulgaires trous de mites : toutes les matières textiles qui se trouvaient sur sa peau avaient littéralement disparu. Si bien qu'il était bleu, mais de plus presque nu ! Si toutefois il s'en était rendu compte ...

- C'est affreux !

Et pendant ce temps, Alix réparait ses conneries avec habileté. Heureusement, elle eut la présence d'esprit de ne pas toucher à la mixture qui débordait et commençait à ronger tout ce qu'elle touchait. Pour le quart de géant, c'était simplement le comble de l'humiliation.

- Je crois que tu mérites un prix : j'ai JAMAIS vu quelqu'un tirer cet effet d'une potion de confusion.

- Oui, et bien, ce n'est que du bleu et ... AH ! MES AÏEUX !

Son uniforme était proprement ruiné. Il n'était pas soigneux, c'était un fait ... Mais il était tout de même vêtu ! Là, il était fichu ... Il ne pouvait même pas se faire prêter une tenue, personne n'avait sa taille à l'Académie, à part Evelyne. Plutôt mourir que de porter des vêtements de filles (Parce que c'est pas tous mes persos non plus !!!)

Après s'être lamenté sur son sort quelques secondes, il sentit à nouveau le regard de la Lutra, s'écria avant de filer vers la réserve du fond de la classe pour, espérait-il, ne plus jamais en sortir.

- C'est pas possible ! Je suis fichu, fichu, FICHU ! paniqua t-il. Pars, ça ne sert à rien, je n'en vaux pas la peine !

Alceste une drama-queen ? Si peu.

Ce qu'Alix n'avait pas remarqué au premier abord, c'était que la mixture qui débordait était corrosive au point de bouffer tout ce qu'elle touchait. Evidemment, comment aurait-elle pu le savoir ? Ca n'était en RIEN les réactions attendues d'un philtre de confusion !

Ce n'est que lorsqu'elle se fut relevée et qu'Alceste se remit à piailler qu'elle put découvrir l'ampleur des dégâts : car le jeune homme n'était pas seulement bleu, il était également nu comme un ver ! Ou presque...mais bon, ne chipotons pas sur des détails car ce qu'il y avait à voir n'échappa pas au regard d'Alix qui, toute adolescente qu'elle était, eut un sifflement appréciateur et un clin d'oeil bien impudique.

- Eh bah dis donc, elles vont en avoir de la chance tes futures nanas !

La réaction du jeune homme ne se fit pas attendre car il fila se cacher derrière les étagères desquelles elle avait tiré la mousse argentée, relançant le rire de sa camarade.

- Nan mais Al', reviens ! Le monde doit savoir ce que tu lui réserve.

Pliée en deux, elle ne prêta pas attention à son affolement, car c'était chose habituelle avec Alceste; il paniquait toujours pour tout de toute manière.

- Dis pas n'importe quoi, si j'me casse comment tu vas rentrer jusqu'à tes quartiers ? Ah et fais gaffe à tes fesses, j'ai déjà vu des souris dans la réserve., le taquina-t-elle avec un petit bobard.

Tandis que son ami dramatisait la situation, Alix se mit à farfouiller dans toutes les armoires de la salle, à la recherche d'un quelconque bout de tissu qui permettrait au Cerva de retrouver sa décence. Tout ce qu'elle put trouver fut deux tabliers de travail, et elle ne se pressa pas de les lui apporter, sautant par-dessus la mixture ratée qui avait durci au sol.
Ayant fini par le rejoindre, elle se percha sur une chaise collée à l'étagère derrière laquelle il s'était caché et s'accouda sur le haut de celle-ci, passant la tête par-dessus pour guigner.
Elle lui tendit le premier en gardant le deuxième dans sa main cachée dans son dos.

- Tiens, mets ça...ouais ouais, c'est bon, je regarde pas. On dirait un immense Schtroumpf, c'est marrant.

Alceste se sentait assez humilié, il ne voulait pas s'en infliger d'avantage, et le regard d'Alix sur lui c'était beaucoup trop. Il avait, de plus, une appréciation plutôt critique de lui-même.
Malgré ses supplications, la Lutra ne quitta pas la salle. Elle se rapprochait même de la réserve où il s'était tapi.
Il recula encore, mais heurta une étagère sur laquelle des flacons tanguèrent en menaçant de s'écraser sur le sol. Il manquait plus qu'il détruise la moitié des ingrédients entreposés ici, il n'aurait plus le droit de venir étudier sur ses heures libres. S'il n'était pas viré.

Alix avait raison, il avait besoin d'elle pour rentrer dans ses quartiers, sans cela, même en attendant que la nuit tombe, il risquait de se faire pincer. Or, qui était plus douée qu'elle pour se faufiler dans les couloirs au nez et à la barbe des profs ? En même temps, elle ne dépassait pas deux mètres, elle.

- Des souris ? Qu'est-ce que tu veux que ça me fasse, tu m'as pris pour Grange ou quoi ?

Puis il se rendit compte qu'il avait parlé de manière un peu sèche.

- Pardon je suis désolé. C'est pas contre toi mais ...

Sachant qu'il allait verser dans l'auto-flagellation, il se mordit violemment la lèvre et se tut afin d'essayer de trouver une solution. Alceste avait du mal à faire plusieurs choses en même temps, et parler et réfléchir à la fois lui était très compliqué.

Il fût surpris par la tête de la jeune fille dépassant du haut de l'étagère et se cacha stratégiquement avec ses mains.

- Tu m'as fait peur !

- Tiens, mets ça...ouais ouais, c'est bon, je regarde pas. On dirait un immense Schtroumpf, c'est marrant.

Elle lui donna un tablier de travail qui n'était même pas assez grand pour l'attacher autour de sa taille dans la longueur. Il leva les yeux au ciel.

- Alix, sérieusement ... Je ne peux pas sortir comme ça, il faut qu'on trouve une autre solution ! Tu me vois me promener dans les couloirs comme ça ?

...

Et je ne te demande pas de l'imaginer !

Pour lui, la situation devenait franchement compliqué et la résolution du problème dépassait ses capacités mentales.

Il énuméra les unes après les autres, les possibilités.

- Potion de ratatinage ? Sort de dissimulation ?

Tout en cachant ce qu'il y avait sous la ceinture à l'aide du tablier.

Alors qu’Alceste s’excusait d’avoir à peine haussé le ton, Alix leva les yeux au ciel en farfouillant dans son coin.  « Et blablabla. » marmonna-t-elle pour elle-même et revenant près du jeune homme.

Contrairement à ce qu’elle avait promis, elle guigna sans vergogne tandis qu’il tentait vainement d’attacher le tablier qui était bien trop petit pour la carrure du jeune homme. Elle pouffait encore alors qu’il se désolait de ne pouvoir sortir dans un tenue décente.

- Tu me vois me promener dans les couloirs comme ça ?

Un sourire goguenard s’étira sur les lèvres de la Lutra.

- Et je ne te demande pas de l’imaginer !

- Roooh t’es pas drôle, j’ai bien le droit de rêver.

Ayant quand même pitié du pauvre bougre, elle sortit le deuxième tablier de son dos et le lui lança à la figure.

- Essaye d’attacher les lanières ensemble, ça devrait cacher chaque côté. Et si tu veux, je descends t’aider.

L’hybride venait de lui offrir une source intarissable de blagues de plus ou moins bon goût, et elle n’allait pas le laisser tranquille avant un moment, c’était certain !
L’observant toujours depuis son perchoir, elle le laissait chercher une solution pour rentrer dans son dortoir sans être vu. Pour sa part, la petite sorcière trouvait bien plus amusant d’imaginer les regards envieux de leurs congénères masculins s’il traversait les couloirs en mode Tarzan. Quoique Tarzan n’était pas bleu…ou ces espèces de martiens géants bleus d’un film que sa mère lui avait montré quelques années auparavant, mais qu’Alix avait trouvé assez ennuyant pour s’endormir au milieu.

- Nan mais y a rien que tu devrais dissimuler, j’te le dis ! T’as de quoi faire grimper ta cote de popularité auprès des filles, ce serait con de passer à côté.

De bonne grâce, elle s’astreignit à chercher une solution, mais le faire travers les couloirs en balai pour aller plus vite ne lui semblait pas mieux. En réalité, la solution qui semblait la plus simple avait été donnée par Alceste.

- Bah on peut te faire boire une potion de ratatinage, mais est-ce que tu supportes l’idée que je te trimballe dans ma poche tout nu ? Moi ça me dérange pas, hein !

Il restait néanmoins un problème de taille – sans mauvais jeu de mot !

- Sauf qu’après comment tu feras pour retrouver ta taille tout seul ? Faudrait que je t’accompagne jusqu’à ton dortoir pour ça.

Elle lui aurait bien proposé d’arracher les rideaux hideux du couloir du premier étage pour lui en faire une robe de chambre, mais à cette heure-ci l’endroit était bien trop fréquenté.

- Essaye d’attacher les lanières ensemble, ça devrait cacher chaque côté. Et si tu veux, je descends t’aider.

Alceste fronça les sourcils, et bien qu'il s'y prenait comme un manche pour nouer ces toutes petites lanières avec ses grands doigts, mais il ne tenait pas à ce que la jeune fille se retrouve à côté de lui alors qu'il était dans le plus simple appareil.

- Nan mais y a rien que tu devrais dissimuler, j’te le dis ! T’as de quoi faire grimper ta cote de popularité auprès des filles, ce serait con de passer à côté.

- Et pour quoi faire hein ?

Puis, se rendant compte qu'il s'était une fois de plus emporté ...

- Pardon ... Mais bon, voilà.

Il se retournait vraiment le cerveau pour trouver une solution, et balançait en vrac toutes celles qui arrivaient dans son esprit. Alix sembla approuver celle de la potion de ratatinage, mais releva aussitôt un autre problème.

- Sauf qu’après comment tu feras pour retrouver ta taille tout seul ? Faudrait que je t’accompagne jusqu’à ton dortoir pour ça.

Elle avait raison. Et dès qu'il envisageait une solution, il se retrouvait confronté à un nouveau problème, il avait l'impression d'être un éléphant pris dans un piège à souris, et à force de réfléchir, il commençait à avoir mal à la tête.

- Alix ... Sors-moi de là, je t'en conjure ! Tout ce que tu veux !

Le géant s'en remettait entièrement à la jeune femme, c'était dire s'il était désespéré. Mais là, il lui fallait reconnaître qu'il était arrivé au bout de ses capacités intellectuelles et qu'il lui était impossible de savoir quoi faire pour s'en sortir.

- Fais de moi ... ce que tu veux !

Torturer ses amis n’était pas l’activité favorite d’Alix…les faire tourner en bourrique, ça par contre ça la faisait bien rire. Et puis quand elle avait face à elle une victime facile, c’était difficile de se retenir.

Alors qu’elle tentait de lui faire voir l’intérêt qu’il pourrait tirer d’un nudisme assumé, lui s’offusquait en ignorant ce que cela lui rapporterait.

- C’est bien une remarque de puceau, ça., soupira-t-elle, se figurant être tellement plus mature que son congénère.

Néanmoins, elle finissait quand même par avoir pitié du quart-de-géant avec son regard de chien battu, et elle aurait presque été tentée de voir s’il irait jusqu’à la supplier à genoux…mais elle n’était pas cruelle !

- Oui oui oui, c’est bon je vais t’aider. Tu crois que je fais quoi là ? A part bien rigoler, c’est vrai…mais bref, on va te trouver une solution, Al’ !

La jeune fille avait une réputation d’amie loyale à tenir. Elle se mit donc à tourner autour de chaudrons dans l’espoir que cela l’aiderait à trouver une idée de génie, réfléchissant à haute voix.

- C’est con qu’on n’ait pas de cape d’invisibilité. Un sort de désillusion ça serait pas mal, mais ni toi ni moi ne maîtrisons ça assez bien, et j’veux pas te faire disparaître définitivement. Je pourrais enfumer le couloir le temps que tu passes, mais jusqu’aux guildes ça fait un sacré bout, le Régisseur ou un prof nous choperaient forcément…Raaaah tu pouvais pas m’écouter quand je t’ai dit de pas foutre cette put*** de livèche !

Zigzagant toujours entre les marmites, elle se creusait les méninges, mais dut reconnaître que la solution idéale avait déjà été trouvée. Finalement, les potions, ça résolvait tous les problèmes et là, là elle avait de l’imagination à revendre.
Elle fit volte-face et tendit tendit son doigt vers un chaudron vide qui traînait – ni celui d’Alceste, en piteux état, ni le sien qu’elle ne voulait pas le laisser abimer – et donna ses ordres.

- Ton idée était la meilleure, on va faire une potion de ratatinage, pis on va se débrouiller pour que je te file celle d’agrandissement dans ton dortoir. Mets de l’eau là-dedans, au quart du chaudron, à bouillir sur feu doux.

Pendant ce temps-là, la sorcière aux cheveux colorés rassemblait tous les ingrédients nécessaires, et elle le rejoignit en corrigeant déjà sa première erreur.

- Feux DOUX, j’ai dis ! Maintenant tu touches plus rien, et tu regardes.

Aussi adroitement qu’elle savait manier le shaker, Alix concocta une potion de ratatinage qui aurait rapetissé un dragon à la taille d’une souris. Une fois terminée, il fallait cependant passer à la seconde phase du plan qu’elle tramait dans son cerveau en même temps.

- L’autre maintenant, on va devoir utiliser mon chaudron. Tu t’en approches pas à moins d’un mètre ou sinon je ratatine ton tablier !

Le temps passait et la nuit tombait, ce qui arrangeait bien notre Lutra, qui en profita pour expliquer son plan, tout en touillant la mixture sensée redonner sa taille au géant :

- On te ratatine, tu te mets dans ma poche parce que sinon demain t’auras à peine monté l’étage jusqu’au rez-de-chaussée, on attend que quelqu’un passe votre porte et tu te faufiles jusqu’à ta chambre. Moi j’vais dehors, et je viens te filer l’autre potion par ta fenêtre. Va falloir que tes coloc’ de dortoir dégagent de là si ils y sont, à toi de te débrouiller pour les faire aller dans votre salle commune. Ca devrait pas être trop compliqué, non ?

Pour la Lutra, ça semblait même être simple comme bonjour. Toutefois, elle comptait bien mettre à profit son offre d’esclavagisme délibérée.

Alceste pâlit lorsqu'Alix égrenait toutes les possibilités qui s'offraient à elle pour résoudre son problème. Disparition ? Fumée ? Il ne voulait ni devenir invisible pour toujours, ni se retrouver carboniser, et il espérait fortement qu'Alix trouverait bien vite une solution plus adapté parce que lui, il séchait complètement.
Finalement, la potion de ratatinage était la plus humiliante pour un quart de géant mais elle convenait très bien à Alceste qui n'avait pas vraiment de fierté de géant. Pour le coup, il voyait plus le côté pratico-pratique.

- Mon idée ? La meilleure ?

C'était bien la première fois qu'il entendait ce genre de compliment. Ayant confiance en Alix, il exécuta ses ordres sans broncher. Le plan de la Lutra avait l'air infaillible, mais Alceste n'avait pas vraiment confiance en ses capacités de mémoire.
Le jeune quart de géant répéta plusieurs fois ce qu'il avait à faire avant de donner le feu vert à la jeune fille pour prendre la potion de ratatinage. Ca avait l'air plutôt simple, mais pour le grand spécialiste de la gaffe, rien n'était gagné tant qu'il ne serait pas de retour dans son dortoir, à sa taille normal et de vêtements vêtu !


- C'est d'accord ! Et c'est prêt dans combien de temps la potion ? Demanda t-il avec empressement, parce qu'il avait hâte d'en finir et n'en pouvait plus d'être dans cette tenue, cela le gênait horriblement. Toutefois ... il devait admettre que la situation était plutôt amusante !

Se retenant de poser les milliards de questions qui lui passaient par la tête et dont il ne retiendrait de toutes façons jamais les réponses, l'hybride laissa l'experte en potion finir sa mixture.
Il lui faisait une confiance aveugle. Avait-il raison ? L'avenir nous le dira. Il s'empara de la fiole qu'elle lui tendit et dit :

- Santé !

Et cul sec ! De toutes façons, ça ne faisait qu'une grosse gorgée. Alceste se mit alors à rapetisser.

Lui, pas ses vêtements.

Et il était toujours bleu.

Et nu.

- Arrête de regarder !  Dit-il en dissimulant sa virilité derrière ses mains. Et exécutons plutôt la seconde partie du plan !

Alceste donnant des ordres ? Voyez-vous ça.

- S'il te plaît, dit-il en se ressaisissant.

Maladroitement et toujours aussi gauche, il se glissa dans la poche d'Alix et se terra au fond entre un vieux bonbon et des pétards mouillés. Si jamais Evelyne apprenait qu'il s'était abaissé à se rapetisser, elle le renierait sûrement en tant que frère !

Toute affairée à préparer de quoi rapetisser le géant à la taille d'une chocogrenouille, Alix n'avait pas le temps ni la patience de répondre à ses questions.

- Ca sera plus vite prêt si tu récites Le sorcier et la Marmite sauteuse en même temps que je mélange.

La raillerie risquait de ne pas passer le détecteur de second degré d'Alceste, qui semblait avoir été brisé à la naissance, mais avec lui elle avait pris l'habitude de se voir être prise au mot...des fois c'était drôle. Surtout pour elle.

En attendant, les deux mixtures étaient enfin prête, et Alix en versa une louche de chacune dans des fioles, prévoyant même deux fioles de chaque, juste par précaution au vu de la maladresse innée de son ami.

- Cul-sec, comme un shot !, l'encouragea-t-elle tandis qu'il portait la potion de ratatinage à sa bouche.

L'effet fut rapide, et Alix put contempler le résultat de très haut alors qu'Alceste ne mesurait plus qu'un poignée de centimètres. Oups! Elle avait oublié de le prévenir que cela ne fonctionnerait pas sur les tablier...quel dommage.

- Arrête de regarder !

- Ah ben là, de toute façon je ne vois plus rien.

Alix, la finesse même. Secouée d'un nouveau rire, elle s'agenouilla et tendit sa main pour qu'il grimpe dessus et qu'elle l'aide à se glisser dans une poche de son uniforme.

- T'es bien installé ? Tes petites fesses sont bien calées. Oui oui, je les sens contre ma cuisse.

La Lutra fit disparaître les restes des potions, au cas où le professeur ait décidé de venir faire un tour, et glissa les autres fioles dans sa poche. Avant d'attaquer la partie plus compliquée, elle devait encore traverser le couloir sans se faire arrêter trop longtemps ni trop souvent. Et ça, avec la ribambelle d'amis et de connaissances qu'elle avait, cela n'allait pas être si facile que ça !
Le début de la traversée de l'écolese fit sans encombre - non mais forcément aussi, qui traînait encore aux sous-sols à cette heure-ci ?! - mais les choses se corsèrent lorsqu'il fut question de rejoindre les quartiers des Cerva. Alix se posta derrière une statue d'hermine ailée, attendant que la porte s'ouvre, profitant de ce moment pour sortir Alceste de sa cachette et le poser au sol.

- Bah Alix t'étais où ? On t'a cherché pendant le souper !

Eh merde, finalement sa cachette n'était pas si bonne : voilà qu'un camarade de guilde venait s'enquérir de son absence au réfectoire. Qu'Alix manque un repas était une chose extrêmement rare, et elle dut trouver une excuse à toute vitesse.

- Je cherche une bombabouse spéciale que m'a passé Lysandre. Je ne la trouve plus, et si je l'ai perdue, il va me tuer.

- Ah mince. Bah je vais t'aider.

- NON!, s'exclama-t-elle un peu trop vivement alors que le jeune Lutra se penchait déjà pour regarder derrière la statue, J'ai déjà regardé là...tu peux aller voir dans notre salle commune si tu la trouves ? Je t'y rejoins.

Légèrement surpris, le jeune homme accepta la demande de sa camarade et jeta des coups d'oeil au sol en s'éloignant, s'attendant à ce qu'elle le rejoigne rapidement.
Ravie que son bobard ait fonctionné, la jeune sorcière souffla et bientôt l'occasion se présenta pour Alceste de rejoindre ses quartiers. Comme prévu, Alix détourna l'attention de la personne qui en sortait pour garder la porte ouverte assez longtemps, puis elle courut dehors en espérant que les délégués n'avaient pas déjà débuté leur ronde.
Une fois devant la partie du mur d'enceinte qui rassemblait les chambres des Verts, elle sauta en l'air en avançant, afin de trouver laquelle pouvait bien être celle d'Alceste.
Pourvu qu'il ne se soit pas fait écraser sur le chemin !

Alceste n'avait jamais bu un shot. Mais il avait le cul sec et ne voyait pas pourquoi Alix le soulignait, mais soit.

Une fois rapetissé, il grimpa dans la poche de la jeune fille et se cala tout au fond.

- T'es bien installé ? Tes petites fesses sont bien calées. Oui oui, je les sens contre ma cuisse.

- Oui ! couina t-il. Mais ... Y a un de ces bazars là-dedans ! dit-il en essuyant son pied. Il venait de marcher dans une substance indéfinissable. Y a rien qui risque d'exploser au moins, dis ?

Alix se mit en marche et traversa le palais en marchant d'un pas dynamique. Alceste manqua de vomir et c'est en titubant qu'il descendit de la poche de la jeune fille pour se cacher derrière la statue. Il était si saoul qu'il n'avait plus grand chose à faire de sa nudité. Il failli se faire surprendre par un camarade, mais heureusement, Alix le sortit de ce pétrin grâce à un mensonge digne de la Lutra qu'elle était.
Alceste se faufila dans sa chambre en évitant les pieds des autres élèves de Cerva avec une agilité dont il ne se serait jamais cru capable.
Avec un peu de retard, il réussi à rentrer dans sa chambre en se glissant par l'interstice et mit un moment à monter jusqu'à la fenêtre.

- C'est bon, je suis là !

Elle lui passa l'antidote et Alceste l'avala. Sans réfléchir.

Sitôt grandi il se jeta sur les premiers vêtements qu'il trouva. Alors qu'il essayait d'enfiler un gilet par les pieds, il se rendit compte qu'il avait retourné la malle de son camarade et se rabattit sur la sienne. Une fois vêtu, il revint vers la jeune fille, infiniment reconnaissant.

- Alix, merci, vraiment ... Je t'en dois une. Qu'est-ce que je peux faire pour toi ? Pour te remercier ?

- Si tu continues de te plaindre, je te laisse traverser le palais tout seul cul nu !, chuchota Alix pour faire taire les commentaires de son ami, empruntant d'un pas vif un nouveau couloir.

Après moults sauts pour guigner les chambres des Verts afin de trouver la bonne, et de non moins nombreux accroupissements pour éviter de se faire repérer par ceux-ci, une toute petite voix lui signifia qu'Alceste était arrivé à bon port, et lui indiqua la bonne chambre par la même occasion.
La jeune fille sauta sur le rebord de sa fenêtre et s'y assit confortablement, lui tendant immédiatement la potion qui lui permettrait de retrouver sa taille originelle.

Il la retrouva. Il était toujours bleu, mais au moins la potion avait fonctionné. Alors qu'il se jetait sur des vêtements pour se couvrir, il s'attira de nouveaux ricanements d'Alix, qui ne se gêna pas pour se rincer l'oeil une dernière fois.

- Nan mais ne te presse pas pour moi, j'ai du temps là.

Elle en profita quand même pour jeter un coup d'oeil aux alentours, s'assurant que ni le garde-chasse, ni le régisseur, ni ces lèches-cul de délégués ne se pointaient dans les environs.
Une fois habillé, le quart-de-géant se précipita pour lui témoigner sa gratitude, ce à quoi elle répondit avec un franc sourire chaleureux.

- Mais pas de quoi, c'était marrant !, commença-t-elle, son sourire s'agrandissant alors qu'il promettait que c'était bien à charge de revenche, Ça, j'vais pas l'oublier ! J'te ferai signe quand j'aurai besoin de toi.

Elle sauta lestement de son perchoir et rabattit son uniforme qui s'en était impudiquement envolé...ce dont elle n'avait rien à carrer, elle, soit dit en passant !

- Bon, je file avant que Cerbère débarque. Désolée pas avoir pu t'aider pour le bleu, je regarderai demain à la bibli si y a pas un truc ou une potion pour te décolorer. Au mieux tu feras marrer tout le réfectoire, au pire t'as qu'à dire que t'es malade et sécher les cours.

La petite sorcière fit un signe de la main pour saluer Alceste et fila à toutes jambes rejoindre la tour des Lutra, évitant ainsi de se faire attraper par le régisseur - au doux surnom - qui passa 5 minutes plus tard au même endroit.