Une journée entière d'examens médicaux, prise d'empreintes digitales et entretiens, Elyon n'avait pu sortir du Grand Conseil qu'après avoir récupéré sa baguette. Elle qui faisait preuve d'un flegme en toutes circonstances d'habitude, ils avaient réussi à lui faire perdre patience. Pire que tout, elle s'était sentie profondément humiliée, surtout lorsque le médicomage avait reporté ses mensuration dans un registre ... et franchement, la distance entre ses deux oreilles, qu'est-ce qu'on en avait à faire ? Elle avait quitté les lieux sans un mot extrêmement contrariée. Elle avait besoin de marcher avant de retourner dans a toute petite maison de Bois-Doré ... encore un lieu qui lui était hostile sur Terre ! Ne serait-elle jamais la bienvenue quelque-part ?

La Dryade resserra son plaid de laine autour de ses épaules. Si elle, qui n'avait qu'1/8 de sang de Nymphe ans les veines ne supportait pas sa situation, qu'en était-il de ceux qui en avait la moitié ? Elle aurait du s'estimer heureuse, mais elle avait du mal. Ainsi, partout on rejetait la différence.

Pour se changer les idées avant de rentrer, son regard glissa sur les vitrines des magasins et s'arrêta sur une jupe à motif écossais qui ressemblait furieusement au tartan du clan McTavish. Son regard se perdit quelques instants mais ce n'était pas les carreaux qu'elle regardait, c'était les verts plateaux des Highlands, une terre qui parfois l'appelait mais jamais ne lui manquait : personne ne l'attendait là-bas.
Décidément, tout dans cette journée la rendait morose, elle arracha son regard de l'objet et continua sa promenade en s'imprégnant de la foule et du bruit comme pour mieux s'y fondre. Cette rue qui ressemblait fortement au Chemin de Traverse l'apaisait un peu. C'était comme si au bout, en sortant d'une échoppe elle pouvait s'attendre à croiser des camarades d'école.


Qu'est-ce que tu FICHES ici ?!

Ou sa pire ennemie. Sa ... Non, pas sa belle-mère, elle avait beaucoup de mal à chasser cette image de son esprit. Mais que fichait la Vélane en France ? C'était décidément une très mauvaise journée.


"Sérieusement, dîtes-moi que je rêve ! Il n'y a pas donc UN ENDROIT sur terre où tu ne te trouves pas Nymphadora ?"

Et si Nymphadora était là, pourquoi pas son père ? Non vraiment, quelle journée !

Elyon en laissa tomber son paquet sur le sol tellement elle était abasourdie par tout ce qu'elle entendait. Elle qui était partie en France pour fuir littéralement l'image de son père et de Nymphadora ensemble, voilà qu'elle apprenait qu'un bloc que Nymphadora était là depuis deux ans et qu'elle avait quitté sa vie confortable pour tout tout recommencer en France.

"On se demande où tu as été pêcher cette idée, c'est complètement dingue."

Elle roula ses yeux vers le ciel et répondit à sa question par l'affirmative :

"Oui, totalement."

Elle trouvait gonflé de la part de la Vélane de lui reprocher de ne pas vouloir d'elle aux côtés de son père alors que Nymphadora s'était toujours montrée hostile à sa relation avec Anthony quand elles étaient étudiantes. D'ailleurs, c'est bien au moment de la mort de celui-ci qu'elles avaient oublié leur rivalité pendant quelques jours seulement, il ne fallait pas non plus pousser les choses trop loin. Nymphadora et Elyon se détestaient depuis tellement longtemps que de toutes façons elles avaient oublié la raison de leur querelle et qu'elles s'étaient conditionner à continuer à se détester, parce que telle était la vie.

"Alors du coup, tu fais quoi ? Princesse ? Oh pardon, ça ne me regarde pas. En tous cas vu ta manucure tu ne mets pas les doigts dans de la bouse de dragons. Tu devrais essayer de te la mettre sur la figure, il paraît que c'est bon pour la peau !"

La réaction vive de la Vélane amusa beaucoup Elyon qui rit ouvertement à toutes ses remarques.

"Je constate simplement que depuis toutes ses années tu n'évolues pas beaucoup."

Plutôt que d'accepter le fait que John McTavish était un fieffé menteur, doublé d'un ours et qu'il ne pouvait avoir de relations avec personne d'autre que lui-même, elle avait préféré reporter cette faute sur elle. Soit ! Même si Elyon n'avait fait aucun effort, jamais Nymphadora ne s'était montrée choquée d'apprendre que son grand amour de 20 ans de plus qu'elle avait des enfants, qui plus étaient de son âge. C'était justement pour fuir toute cette histoire malsaine que la spécialiste en runes étaient partie.
Nymphadora était donc devenue Professeur ?

"Ca ne me surprend pas, tu as du talent."

Quoi, vous vous doutez bien que ce n'est pas gratuit non ?

"Dès qu'il s'agit d'avoir l'ascendant sur quelqu'un, du coup, une classe de gamins c'est l'idéal ! C'est même un peu facile pour toi, tu me déçois un peu."

Parce qu'elle n'avait jamais pu encaisser l'attitude que son père adoptait quand Nymphadora était là : celle d'un homme soumis. John McTavish était sa seule figure d'autorité et c'était son ennemi d'enfance qui le tenait en respect ? Non, il ne fallait pas pousser trop loin non plus !

"Tu m'excuses hein ? J'ai mieux à faire que d'écouter combien j'ai gâché ta vie et tous ces blablablas. C'est franchement pas le jour."

Y avait-il eu une fois dans leur vie où Nymphadora et Elyon s'étaient parlé sans s'insulter ou se menacer ? Oui, il y en avait eu une : le jour de la sépulture de leur ami commun Anthony. Elles avaient été aussi dévastées l'une que l'autre par son décès soudain et avaient été les seules capables de comprendre ce que l'autre ressentait à ce moment-là. Et aujourd'hui cela faisait très exactement 16 ans qu'Anthony avait disparu, c'était toujours un jour sombre pour Elyon.

Il y a des jours qu'on oublie parce qu'il ne s'est rien passé de particulier, mais le jour de la mort d'Anthony, Elyon se rappellerait de chaque détail toute sa vie. Elle se souviendrait toujours qu'il était 10h13 du matin exactement et que le givre recouvrait encore les brins de l'herbe du matin ce jour-là. Elle n'oublierait jamais le moment où Kingsley Schacklebolt lui avait annoncé la mort dans l'âme qu'Anthony Goldstein son fiancé avait été assassiné par un Mangemort du nom de Darkline. Son corps n'avait été tout à coup que douleur, chagrin et sang. Par le choc elle avait perdu l'enfant qu'elle portait, elle avait tout perdu ce jour-là, même la confiance fragile qu'elle avait placé en son père.

16 ans avaient coulé depuis et la vie avait suivi son cours avec insolence. Elyon était devenue une auteure connue et reconnue et parfois quelques questions subsistaient : comment se remet-on d'un tel drame ? Elle y répondait toujours de la même manière, par un sourire. Mais la vérité c'était qu'on ne s'en remettait jamais. Chaque jour sans eux était plus dur que le précédent et elle s'approchait du point de rupture chaque année à la même date pour se relever avec plus ou moins de difficultés.

Nymphadora semblait avoir capté pourquoi Elyon ne mettait pas plus d'énergie que ça à l'envoyer balader, mais elle ne voulait pas du tout sa compassion.

"Oh, je t'en prie. Je n'ai pas besoin de ta compassion, de ta sollicitude, et de tous les synonymes du mot "empathie" d'ailleurs."

Projet de la soirée ? Une bonne bouteille de Whisky.

L'Ecossaise ferma les yeux et secoua la tête aux dires de la Vélane. Sa tirade était bien belle mais elle ne valait pas grand-chose en réalité.

"Tais toi. Tu ne sais rien."

Nymphadora ne savait que ce qui avait été rendu public mais elle ignorait que son ancien fiancé avait sa part de responsabilité dans ce décès, elle ignorait aussi que son meilleur ami allait être père et qu'il avait souhaité que Nymphadora soit la marraine de leur enfant, chose qu'Elyon avait même accepté parce que malgré leur rivalité elle savait que Nymphadora Fillarius était une personne de confiance.
Elle aurait pu, mais pour quoi faire ? Quel intérêt aurait-elle eu à détruire sciemment la relation qui existait entre son père et son ennemie de jeunesse alors qu'elle avait vu l'homme autant adoré que méprisé sourire pour la première fois depuis plus de 20 ans à ses côtés ? Pourquoi aurait-elle alourdi son chagrin avec une telle nouvelle ? L'ancienne Serdaigle n'était pas quelqu'un de méchant et de destructeur quoi qu'on en dise.

Si Nymphadora n'avait aucune pitié pour elle, c'était bien cette même pitié qui imposait à Elyon de garder le silence sur certains faits.

"Et bien moi j'en ai pour toi." dit-elle avec une rancœur à peine maquée.

Elle remit son sac sur son épaule et fît quelques pas mais se ravisa et interpella à nouveau la professeure. Après quelques secondes de réflexion, elle avait estimé qu'elle n'avait pas à être la seule à supporter ce poids-là.

"Tu sais ... la fille d'Anthony. Elle se serait appelé ... "

A cette évocation, sa voix se brisa.

"Héléna ... Nymphadora ... Goldstein."

Prononcer à voix haute le nom de son enfant perdu lui fît un effet auquel elle ne s'attendit pas. Elle était tout bonnement incapable de parler et pour prendre congé de la Vélane elle se contenta de tourner les talons.