Depuis le début de sa journée, Jenna avait entendu les rumeurs à propos du retour du professeur de Vol au sein de l’académie. D’abord simple bruit de couloir, elle avait entendu les exclamations de joie de plusieurs de ses élèves, trop heureux de retrouver cet idiot écervelé qui lui servait de meilleur ami. Elle avait été tentée de foncer sur le terrain de Quidditch, de prendre un Cognard de la réserve pour lui envoyer dessus et le regarder tomber de son balai en le pointant du doigt tout en se fendant d’un rire moqueur. Mais en fait, elle n’avait pas envie de voir sa tronche ! Pas après ce qu’il avait fait à Lulu ni après qu’il ait pris la poudre d’escampette sans la prévenir.

Trois jours ! Trois jours elle avait passé à le chercher partout, morte d’inquiétude à l’idée qu’il puisse avoir fait une énorme bêtise avant d’apprendre qu’il avait tout simplement quitté le pays pour aller bouder. Mais enfin, qu’est-ce qu’ils avaient tous à la fuir comme la peste ?

Un air sombre sur le visage qu’on ne lui voyait que peu souvent, Jenna ruminait sa colère en arpentant les couloirs en direction de la salle des profs. Étrangement, ses élèves n’avaient pas émis le moindre bruit durant ses deux heures de cours. Au vu de la tête qu’elle affichait, elle devait sans doute ressembler à cette pimbêche de dirlo. Crétin d’Aaron ! Manquait plus que ça tient… Traînant des pieds sur le carrelage froid de l’école, Jenna poussa la porte de la salle de repos, serrant contre elle une pile de dossiers de montage d’une horloge à diffusion d’image qu’elle avait demandé à ses élèves de lui composer. Elle n’avait pas fait deux pas à l’intérieur qu’elle tomba nez à nez avec Aaron. Oh noooooooooon ! Pas lui. Elle soupira bruyamment le fixant avec froideur avant de lui tourner le dos et d’aller s’asseoir dans un fauteuil à l’opposé de la pièce, comme s’il était un parfait inconnu.

Aaron était revenu à Beauxbâtons après être revenu vers Lucila. Ce qu'elle lui avait appris était particulièrement inquiétant. Que Courtois s'en soit prit à Lucila était déjà quelque chose de suffisamment grave. Mais alors que ce soit pour apprendre quelque chose sur sa propre soeur ! Il ne pouvait pas s'empêcher de devenir de plus en plus parano. Si ça se trouve, il allait s'en prendre à lui aussi ? C'était tout à fait probable, d'autant qu'il était tout désigné comme future cible.

Aaron était donc de retour après avoir posé un congé sans solde. Il était assez mitigé quant à son retour à l'académie. D'un côté, il était content de retrouver son poste. Mais de l'autre, avoir goûté à Poudlard lui rappelait des souvenirs plus forts encore et une certaine nostalgie s'était ancrée en lui.

Il devait afficher les plannings du tournoi des matchs qui allait bientôt commencer un peu partout dans l'école. Sa pile dans les mains, il marchait de manière tout à fait nonchalante, comme à son habitude. Puis, lorsque sa tache fut terminée, il se dirigea vers la salle des profs.

Il prit plusieurs feuilles qui se trouvaient dans son casier, but un café et décida se retourner sur le terrain de quidditch. Mais alors qu'il ouvrait la porte, il tomba nez-à-nez avec Jenna qui avait l'air de très mauvaise humeur.

Jenna ! Hey comment tu...

Mais elle soupira profondément avant de lui lancer un regard assassin et de lui tourner le dos. Aaron écarquilla de grands yeux avant de faire demi-tour pour la suivre.

Nan mais ça va ouais ? Qu'est-ce que t'as à faire la tronche ? J'peux savoir ce que je t'ai fais ?

Il s'assit même face à elle, bien décidé à savoir à quoi correspondait ce snobisme aigu.

Jenna... Jenna... Jenna... Jenna... Jenna... Jenna... Jenna... Jenna...

Question maturité, avec ces deux là, on repassera.

Comment ça ? Il voulait savoir ce qu’il lui avait fait… Mais il se fichait d’elle lui ou quoi ! Elle roula des yeux tandis qu’elle s’éloignait de lui après avoir entendu cette réflexion stupide. Il lui fallait quoi ? Un dessin pour comprendre. Pfffff non mais vraiment. Affalée dans son fauteuil, elle le regarda s’approcher pour finir par s’asseoir en face d’elle. Non mais là… Prenant les dossiers posés sur ses genoux, elle voulut continuer de l’ignorer en corrigeant les examens de ses élèves. Oui enfin, c’était sans compter sur l’excentricité agaçante de son collègue.

« T’es lourd Aaron… »

Elle claqua ses dossiers contre ses cuisses avant de le fixer sévèrement. Le silence se fit tout d’un coup dans la pièce et les rares personnes présentes eurent la bonne idée de sortir pour les laisser tous les deux régler leur compte. Jenna se fichait pas mal de faire un scandale devant témoin, de toute façon elle se fichait pas mal de se donner en spectacle en général. Là, elle était juste remontée contre Aaron et sa mauvaise humeur ne cessait d’augmenter en constatant qu’il n’avait aucune idée de la raison.

« Qu’est-ce que ça peut te faire ce que j’ai d’abord… C’est pas comme si on était meilleur pote… Lâche moi tu veux… J’ai pas envie de te parler… »

Elle se releva sans ménagement et passa à côté de lui en le bousculant légèrement. Bah oui, il faisait quand même presque deux mètres de haut ce gugus, elle ne risquait pas de l’ébranler beaucoup. Grommelant sa mauvaise humeur, Jenna finit par faire demi-tour pour se planter devant lui.

« Mais enfin qu’est-ce qui t’as pris bordel ? T’es tellement égoïste c’est pas croyable… Comment t’as pu lui faire ça ? »

Excédée, Jenna s’agitait en piétinant d’un pied sur l’autre et en agitant les bras autour d’elle.

« Après tout le foin que tu m’as fait sur les sentiments que t’avais pour elle… Tu veux que je te dise : Tu l’as mérites pas… T’es comme son ex, à la première difficulté tu te barres et tu la laisses toute seule ! Mais merde, elle s’est fait agresser Aaron, agresser… qu’est-ce qu’on s’en fout qu’elle reconnaisse l’autre idiot et pas toi ! »

Elle laissa tomber ses bras contre son corps avant de serrer les poings et de se mettre à hurler son agacement.

Aaron fronça les sourcils. Visiblement Jenna avait un voire deux... voire trois... trains de retard. Plus il parlait et plus ses sourcils se fronçaient. Il la trouvait particulièrement exaspérante et visiblement sa mémoire était sur du très court terme.

Ah ouais... C'est vrai, j'avais oublié que tu étais là, j'avais oublié que tu était juuuuste à côté de moi au moment où j'ai reçu cette lettre de l'hopital me signalant que MA petite amie avait été admise dans un état critique ! J'avais oublié que tu étais là quand, pendant près de huit heures, j'ai tourné en rond dans cette salle d'attente sans qu'on ne me dise quoi que ce soit, avec la seule peur qu'elle ne se réveille pas, qu'elle soit dans un état végétatif ou dans un coma profond ! J'avais aussi oublié que tu étais là quand Lucila s'est finalement réveillée et qu'elle avait oublié ces trois dernières années ! Oh, et tiens ! J'avais aussi oublié que tu étais là lorsqu'elle a appelé son ex, qui était justement avec moi, "Goulven chéri" !

A la simple idée de ces souvenirs, Aaron donna un coup de pied dans la petite table qui se trouvait juste en face de lui. Tout, dessus, se retrouva par terre dans un grand fracas. Il se leva d'un bon, pointant Jenna de son indexe, la colère au visage.

Est-ce que tu imagines une seule seconde ce que j'ai pu vivre à ce moment là ??? Est-ce que tu peux ne serait-ce que PENSER ce que j'ai pu ressentir au moment où Lucila ne m'a pas reconnu ? Et au moment où Goulven a agit avec elle comme si de rien n'était ? J'étais spectateur de cette scène, Jenna ! J'ai cru... J'ai cru que de toute façon, plus rien ne serait jamais comme avant ! Depuis que Lucila est avec moi, j'ai l'impression d'avoir constament ce spectre de Goulven dans mon dos ! J'ai l'impression qu'il est toujours là, son jumeau maléfique, ce souvenir flottant d'un passé heureux pour elle ! Et pourquoi ? Parce que moi, j'ai jamais aimé quelqu'un comme ça ! Mais elle, si ! Elle, elle a déjà été amoureuse !

Aaron commença alors à marcher de long en large comme un lion en cage. L'expression habituel de gentil candide qu'il affichait avait disparu. On voyait désormais un homme fermé et déterminé, au regard noir et froid. Et ce regard était tourné vers Jenna.


Alors ouais, ouais ! Je suis parti. Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ? Hein ? Attendre gentiment dans mon coin et regarder la femme que j'aime donner tout son amour à un homme qui l'a oubliée depuis longtemps ? T'as déjà été amoureuse, Jenna ? T'as déjà ressenti ce sentiment ? Tu sais, cette impression que, de toute façon, tu aimes tellement l'autre que tu ferais tout pour son bonheur ? Même disparaître ? Parce qu'à ce moment là, ma vieille... C'est la seule chose que j'ai pensé ! Faire son bonheur à elle ! Parce qu'elle avait l'air bien plus heureuse avec lui qu'avec moi !

Aaron se rassit alors sur son fauteuil, ne décolérant pas. Il lança de nouveau à Jenna un regard noir comme la nuit.

Mais tu sais quoi ? Je suis quand même revenu. Parce qu'elle m'a dit ce que j'avais besoin d'entendre, parce que Goulven m'a dit aussi ce que j'avais besoin d'entendre. C'est vrai, pour la première fois de ma vie, j'avais besoin d'être rassuré ! Et je me suis excusé auprès de Lucila, je lui ai dis à quel point je l'aimais ! Je lui ai même prouvé à plusieurs reprises, si tu veux tout savoir ! J'ai même tout fait pour me racheter auprès de Goulven ! Quant à son agression, bien entendu que je le sais !!! C'est MOI qui vit avec elle, c'est MOI qui voit ces marques dans son cou, j'ai même pas le droit de la voir nue, parce qu'elle refuse que je la vois comme ça, même si je la trouverais toujours belle, quelle que soit son apparence ! C'est MOI qui vais être à ses côtés pour qu'elle se reconstruise ! Mais me dire à MOI que je ne la mérite pas alors que si je suis parti, c'était pour qu'elle soit pleinement heureuse ? Eh bah tu sais quoi ? Vas chier.

Aaron se leva de nouveau, en regardant Jenna.

C'est vrai, j'aurais du te prévenir, t'envoyer une lettre, te dire que j'allais bien, mais c'est bien mon seul tort. Et j'en suis affreusement désolé. Mais la prochaine fois que t'as besoin de quelqu'un pour te prendre dans ses bras parce que t'es triste, la prochaine fois que t'as besoin de quelqu'un avec qui te marrer, qui t'apportera tes gâteaux préférés... La prochaine fois que t'auras un oncle qui mourras et que tu auras besoin de quelqu'un sur qui compter... Bah je serais pas là !!!

Aaron lança alors un dernier regard à Jenna et quitta la salle des profs en claquant violemment la porte. Est-ce qu'elle allait le suivre, est-ce qu'elle allait lui hurler dessus comme une folle, en lui disant qu'il était odieux de lui balancer tout ça ? C'était désormais à elle de le décider de leur avenir entant qu'amis.

Pendant toute la longue, longue tirade de reproches que lui asséna Aaron, Jenna ne broncha pas. Plantée sur ses pieds, les bras croisés contre sa poitrine et le menton levé dans une moue pleine de défi, elle lui rendait son regard noir. De temps en temps, elle ouvrait la bouche, agacée et passablement choquée par les propos qu’il lui tenait mais ne parvenait pas à en placer une. Elle avait mis deux pièces dans la machine et Aaron ne semblait plus vouloir s’arrêter. « Moi, moi, moi… Je, je, je… » Exaspérant ! Elle n’aurait pas était une Tillier, élevée parmi trois frères de taille et de corpulence impressionnante, elle n’en aurait sans doute pas menée large devant la colère plus que frappante du professeur de Vol. Mais là, elle ne faisait que ruminer devant lui, impassible devant ses rugissements qui parfois la secouaient autant qu’ils faisaient trembler les murs de la pièce. Elle n’avait qu’une envie, lui coller son genou dans les parties pour lui clouer le bec deux minutes. Non parce que bon, elle n’en revenait pas qu’il lui balance de telles horreurs. Ses bras lui en tombèrent d’ailleurs alors que sa bouche s’ouvrit en grand sous la surprise de l’entendre dire qu’il ne serait plus là pour elle. Non mais quel con ! Interdite, les yeux écarquillés par la surprise, elle le laissa filer sans réagir jusqu’au moment où la porte claqua derrière lui.

« Mais c’était quoi ça ? »

Réalisant subitement qu’il venait de la planter en plein milieu de la pièce sans ménagement, sans lui laisser le temps ni de se défendre ni de répliquer, Jenna se lança à sa poursuite, ouvrant la porte à la volée avant de faire quelques pas dans le couloir.

« AARON ! »

Un peu plus loin devant elle, son ami agrandissait la distance entre eux à grandes enjambées sans se sentir concerné par son appel. Comme il semblait vouloir l’ignorer, elle se lança tant bien que mal à sa poursuite.

« BORDEL MAIS RESTE LA… »

Voyant qu’il ne semblait pas vouloir coopérer, Jenna arrêta sa course inutile. Très bien, il voulait jouer les têtes de mules… Avec fureur, elle déchaussa l’une de ses couverses et la lança dans la direction de son collègue. Le projectile atteint sa cible dans un bruit sourd, s’écrasant mollement entre les omoplates de l’athlète qui se figea sur place. Pas très sorcier comme méthode mais au moins elle était parvenu à l’immobiliser ce qui lui laissa le temps de parcourir les quelques mètres qui la séparaient de lui pour lui bondir sur le dos et passer ses bras autour de son cou.

« Ca y est ? Môssieur a fini de faire sa diva ? Si tu crois que tu me fais peur, tu te fourres le doigt dans l’œil mon pauv’ vieux… Je suis pas l’une de tes mignonnes petites sœurs qui te passent tous tes caprices… Alors ouais, j’ai p’t-être été un peu dur avec toi quand je t’ai dit que tu méritais pas Lulu mais bordel t’as quand même agi comme un con… Là, il s’agissait pas de jouer les grandes âmes en t’effaçant mais de rester pour la protéger de l’autre tarré qui a failli la tuer… C’est ça que je te reproche… Ca et le fait que t’ais pas rappliqué dans la seconde quand t’as appris qu’elle avait retrouvé sa mémoire… Merde Aaron… Je l’ai trouvé TOUTE SEULE DANS CETTE PUTAIN DE CHAMBRE, SANS PROTECTION ! ET SI L’AUTRE ETAIT REVENU FINIR LE TRAVAIL ? »

Bien sûr qu’elle en avait voulu à Aaron du cirque qu’il avait fait à l’hôpital puis après quand il était parti bouder chez ses parents en Angleterre. Sans oublier le fait qu’il ne lui ait pas donné le moindre signe de vie… Mais en fait, Jenna était surtout très énervée après lui parce qu’elle avait été morte d’inquiétude. D’abord pour Lucila et ensuite pour lui.

Nan mais elle avait osé lui balancer une savate dans le dos ?! La sensation (parce qu'on ne pouvait pas appeler ça de la douleur, hein !) que cela produit dans son dos le fit s'arrêter net, droit comme un piquet. Et elle recommença à lui balancer son venin à la tronche. Aaron ne se retourna pas tout de suite, levant les yeux au ciel.

Mais sa dernière phrase le fit se retourner. Il la regarda alors pendant de longues, les yeux plissés. Scrutant la jeune femme avec un certain mépris dans le visage, il dit simplement, d'une voix à la fois cassée et directe.

Tu ne sais rien, Jenna. Rien du tout.

Ce qui était vrai. Aaron, lui, savait ce qui s'était passé, il savait qui avait attaqué Lucila et il était le seul à connaître cette information. Il savait aussi "qui" avait déposé Lucila devant cet hôpital et c'était autre que l'agresseur de Lucila... Qui n'était autre que le Consul. Aaron ne savait pas pourquoi il avait agit de cette manière, pourquoi il avait perdu son sang-froid avant de se raviser... Et il n'était pas sûr de vouloir connaître la réponse. Toujours est-il que tout cela dépassait largement une bête histoire de colère et de jalousie, c'était quelque chose de plus grave, de plus profond encore.
C'est bon là, t'as fini? Tu t'es pas demandé pourquoi j'étais rentré, là? Tu t'es pas dite que "peut-être" je savais pas qu'elle avait retrouvé la mémoire ? Et puis... Tu crois pas que j'ai suffisamment culpabilisé comme ça ? Nan faut que toi, tu viennes en rajouter une couche ! Lucila m'a pardonné et c'est tout ce qui compte ! Le reste, ce que peuvent bien penser les gens, ça m'intéresse pas ! Mais après tout, hein, t'es pas "ma meilleure amie", comme tu me l'as si bien fait savoir !

Aaron se retourna alors de nouveau. Les mains dans les poches, il commença à marcher mais continua néanmoins à parler.

Donc ça sert à rien que je te demande ce que j'allais te demander !!! PUISQUE T'ES PAS MA MEILLEURE AMIE !!!

L’intonation que prit Aaron pour lui répondre lui fit l’effet d’une douche froide, voire même carrément glacée, et elle lâcha son cou pour se laisser tomber mollement sur le sol. Pire, il continua de lui asséner ses réflexions blessantes et pompeuses. Bah peut-être qu’effectivement elle ne connaissait pas toute l’histoire mais ce n’était pas comme si c’était sa faute à elle si, en ce moment, tout son entourage avait tendance à la tenir à l’écart. Plantée sur ses pieds, son regard noir fixé sur Aaron, Jenna ruminait son agacement en se mordillant l’intérieur de la bouche. Elle avait une furieuse envie de lui coller son poing dans le nez, celui-là même qu’elle avait déjà réduit à l’aide d’un sort. Et ce fut encore pire lorsqu’il lui brandit le fait qu’il n’était pas autant proche que ça avant de tourner les talons et de s’éloigner une nouvelle fois. Non mais c’est pas vrai, combien de fois encore il allait falloir qu’elle lui coure après pour qu’ils terminent cette discussion. Et il ne lui restait qu’une seule chaussure en plus !

« Locomotor Wibbly ! »

Sa baguette pointait sur le dos d’Aaron, Jenna vit le sortilège foncer droit sur lui avant de le voir s’effondrer de tout son long sur le sol lorsque ses jambes devinrent aussi molles que du chewing-gum.

« C’était du cynisme putain ! »

En quelques enjambées rageuses, Jenna le rejoignit pour finir par s’accroupir devant Aaron qui venait de s’asseoir à même le sol. Elle était toujours en colère contre lui. Non pas parce qu’il avait réagi comme un débile en prenant la fuite, ça finalement, elle n’était pas tellement surprise mais parce qu’elle avait eu peur. Peur pour Lucila autant que pour lui qui ne lui avait pas donné de nouvelles. Pourquoi est-ce qu’il n’arrivait pas à le comprendre bordel ?

« T’es parti sans rien dire ! Et là tu reviens comme si de rien était… Alors non ! Non je sais pas pourquoi t’es rentré parce que t’es pas venu me le dire. Parce qu’apparemment c’est pas grave pour toi si Jenna a flippé comme une malade de pas savoir où t’étais ! Putain mais j’en ai marre de toutes vos conneries à tous ! »

Une larme perla au coin de son œil et elle se laissa tomber sur le sol avant de laisser échapper un soupir qui fit trembloter ses bajoues.

« Mais tant mieux écoute, si tout ce qui compte pour toi c’est que Lucila t’en veuille pas… »

Elle renifla bruyamment avant de frotter ses mains contre ses yeux pour chasser les larmes qui menaçaient de couler. Ah mais non, elle n’allait pas encore se mettre à braire devant lui ! Au lieu de ça, Jenna se releva et se mit à la recherche de sa chaussure, évitant soigneusement de croiser le regard de son collègue.

Voilà qu'elle lui balançait ENCORE un sort. Et voilà qu'ENCORE UNE FOIS il s'étalait par terre comme une bouse. Ca devenait une habitude, c'était pas possible !

Aaron finit par s'assoir par terre, voyant Jenna vraiment touchée par son énervement, il fut lui-même touché par ce qu'elle venait de dire. Et en plus elle pleurait. Voilà, maintenant Aaron culpabilisait... Et elle reparti chercher sa chaussure qui était posée juste à côté d'Aaron.

Il attrapa alors le poignet de la jeune femme, l'obligeant doucement à le regarder. Son regard gris perle était désormais emplit de culpabilité. Il s'en voulait, vraiment.

Pardon Jenna... Pardon pour tout ce que je t'ai fais subir, pour tout ce que je t'ai dis... J'ai été qu'un con avec toi aussi. Mais tu sais, j'étais perdu, vraiment. Je savais plus du tout où j'en étais, je... J'avais besoin d'être seul, je crois... Excuses moi, tu sais... En fait, t'es vraiment ma meilleure amie... Tu veux bien me libérer de ce sort, s'il te plait...?

Une fois ses jambes ayant enfin retrouvé leurs fonctions, il se releva, encore engourdit par le sort qu'elle lui avait jeté Jenna. Il gardait la main de la jeune femme dans la sienne. Il l'emmena alors un peu plus loin, près d'une fenêtre où se trouvait un banc. Un petit sourire au coin des lèvres, il lui dit.

Ecoutes, si je suis venu te voir aujourd'hui, c'est parce que j'avais quelque chose à te demander. Et à te dire aussi, d'ailleurs... Quelque chose que ni mes parents, ni ceux de Lucila, ni nos frères et soeurs, pas même Dieu en personne ne savent !

Aaron prit une grande respiration et ferma les yeux. Il lui dit alors, en rouvrant les yeux.

J'ai demandé Lucila en mariage. Et... Et elle a dit oui !

Aaron souriait désormais de toutes ses dents, même si c'était difficile. Il prit alors les deux mains de Jenna dans les siennes.

Je sais que tu m'en veux, et tu as toutes les raisons du monde de m'en vouloir. Mais tu sais, Jenna... Tu comptes énormément pour moi. Plus que la plupart de mes soeurs, plus que tous mes amis, parce que tu es vraiment... Vraiment... Ma meilleure amie. Tu es vraiment la seule avec qui je peux être moi-même, à qui je peux me confier en sachant que je ne serai pas jugé... Bien que j'ai plusieurs contre-exemples récents... Mais je te promet, je te PROMET que désormais, tu seras toujours la première au courant des aventures palpitantes de ma vie. Enfin à la seule condition que je sois aussi le premier à être au courant des tiennes...

Son regard de biche qui voulait vraiment tout se faire pardonner, il lui murmura alors, d'un air profondément désolé.

Tu sais... Je ne pourrais pas trouver de meilleure amie que toi... Parce que... Parce que c'est aussi ça, être les meilleurs amis. C'est être toujours là pour l'autre, dans les pires... Mais aussi dans les meilleurs moments... Alors, si tu acceptes... J'aimerais vraiment que tu sois mon témoin...

Et là, mes amis, vous ne trouverez nulle part d'Aaron plus sincère !

Non mais là, non ! Fallait qu’il lui sorte son grand jeu d’apitoiement… Voilà pourquoi elle ne voulait pas le regarder dans les yeux ! Roh et puis zut ! Il avait gagné voilà… D’un geste un peu agacé d’avoir cédé aussi facilement, Jenna libéra Aaron de l’emprise de son sort et se laissa conduire sans rien dire jusqu’à un endroit qu’il estima plus convenable aux confidences. N’empêche toute cette énergie gâchée à se hurler dessus pour en arriver là… Oui bon, c’était un peu leur marque de fabrique à tous les deux ! Quand fallait que ça sorte, fallait que ça sorte… Tiens en parlant de ça d’ailleurs ! Les sourcils froncés, ses yeux fixant le visage de son ami sans broncher, Jenna le laissa parler sans jamais l’interrompre jusqu’à ce qu’il se tourne vers elle attendant sa réponse.

« Attends… Elle a dit oui ? »

Ouh que c’était bas de sa part de faire cette réflexion. Mais bon, Jenna était un peu paumée dans leur histoire. Y a encore dix minutes, elle était persuadée que tout était terminé entre eux, que son imbécile de meilleur ami avait tout abandonné pour retrouver une vie de Tanguy sans se soucier des autres. Et maintenant, il lui balançait de but en blanc qu’il allait se marier !

« Mais pourquoi ? Je veux dire… Comment c’est possible ? Non… C’est pas… Pfiuuuuuuu »

Allô la terre, on appelle Jenna ! Ses mains toujours emprisonnées par les grandes mains d’Aaron, elle arrêta son charabia et serra ses lèvres l’une contre l’autre pour s’empêcher de dire plus d’ânerie. Puis, après un hochement de tête, elle reprit :

« MAIS C’EST GENIAL ! TU VAS TE MARIER ! J’en reviens pas… Aaron qui se marie ! Je veux oui être ton témoin. »

Soudain hystérique, elle se dégagea de l’emprise d’Aaron pour lui sauter au cou en hurlant de joie et en sautant sur place. Elle était submergée de joie d’apprendre que ces deux-là avaient fini par se réconcilier pour décider de se marier. Enfin une bonne nouvelle ! Curieuse d’en savoir davantage, Jenna finit par lâcher son ami pour se planter devant lui.

« Mais attend ? Quand est-ce que toi et Lulu vous avez… Non mieux… Comment t’as fait ta demande ? Te connaissant ça devait être encore supra-méga-romantique ! »

Le menton enfoncé dans le creux de ses mains, les coudes posés sur ses cuisses, Jenna haussait les sourcils exagérément tout en le regardant. Étant donné la mise en scène qu’il avait faite pour se déclarer la première fois à Lucila, Jenna imaginait déjà la demande en mariage d’Aaron : des fleurs, des violons et tout le tralala !

Il faut avouer que le fait qu'ils soient réconciliés réconfortait énormément Aaron. Il avait vraiment peur qu'elle lui dise non, qu'elle lui en veuille à vie et pire, qu'elle continue à lui balancer des sorts aux fesses.

Jenna sauta alors au cou, heureuse de cette nouvelle, trop heureuse aussi d'être le témoin du professeur de quidditch. Aaron fut un peu prit au dépourvu et se recula de quelques centimètres, manquant de tomber.

Eeeeeeeh ouais hein, qui l'eut cru, même moi j'ai du mal à y croire... Mais elle a dit oui... Et on va "vraiment" se marier... On est officiellement fiancés...

Mais la question qui tue arriva et Aaron fut complètement prit au dépourvu. Celle là, il ne s'y était vraiment pas attendu. Un peu gêné, il devait bien s'attendre à ce qu'on lui pause. C'est vrai après tout ! On demande toujours aux futurs mariés comment la demande a été faite !!! Il ne pouvait pas y penser avant de faire une demande aussi... Aussi !!!

Se passant la main derrière la tête et cherchant à tout prit à fuir le regard de Jenna, il était très très évasif.

Oooooohbahhhhhh... Heiiiiin.... Tu sais, la routine, "veux-tu m'épouser", toussatoussa...

Mais il eut le malheur de croiser le regard de Jenna qui voulait vraisemblablement en savoir beaucoup plus. Il soupira alors et regarda sa meilleure amie en parlant le plus bas possible pour être sûr que personne ne les entende.

On était ne plein milieu de nos... Nos... Retrouvailles... Et c'est parti tout seul, dans l'élan, sur le moment... Je l'ai demandé en mariage alors qu'on était vautrés sur le canapé, là, t'es contente...?

Bon, il lui devait bien des détails aussi croustillants. Mais voulait-elle réellement les savoir ? En tous cas il était sûr que ça l'amuserait beaucoup... Tant qu'elle gardait ça pour elle !

Genre la routine toussa, toussa ! À d’autres ouais… Combien de temps il comptait la faire languir avant de lui raconter comment il s’y était pris. Ou alors il avait encore fait un truc dangereux comme avec le coup de la chute du phare. De toute façon, elle ne pouvait pas encore lui taper un scandale vu que sa déclaration, il l’avait déjà faite et qu’il se tenait toujours bien vivant devant elle. Alors quoi ? Aaron dû comprendre que son explication vaseuse ne suffisait pas parce qu’il finit par se pencher de nouveau vers elle pour lui baragouiner une explication en chuchotant. Ouah alors là… C’était pas du tout ce à quoi elle s’attendait de sa part ! D’abord silencieuse, Jenna le fixa déçue de son histoire.

« Quoi c’est tout ? »

Elle n’avait pas compris l’allusion de son collègue du moins celle-ci ne lui vint qu’au moment où elle lui exposa sa déception. Soudain prise d’une illumination, elle se redressa sur le banc, plaqua ses deux mains contre sa bouche et le fixa avec de grands yeux ronds.

« Nooooooooon… Aaron dis-moi que t’as pas fait ce que je pense que tu as fait ? »

Elle grimaça un sourire horrifié, espérant désespérément que son ami avait quand même plus de classe que ça. Mais devant son silence lourd de sens elle ne put que se résigner à l’idée et se claqua le front avec sa paume de main.

« Finalement venant de toi, ça me surprend pas trop mais ça m’étonne que Lulu ait dit oui alors que… T’es sûr qu’elle a dit oui à ta proposition et pas… Tu vois quoi… »

Anticipant le regard noir qu’il allait lui lancer devant son allusion déplacée, Jenna leva les mains en l’air avant d’ajouter :

« C’est bon je plaisante ! Et voilà, maintenant j’ai une sale image de vous dans la tête ! Je suis bonne pour la thérapie… »

Ce n’était pas la première fois qu’Aaron lui racontait ses coucheries, pour son plus grand désespoir et le connaissant, ça ne serait sans doute pas la dernière fois. Blasée, Jenna se frotta les yeux entre ses doigts espérant chasser la vision qu’elle avait dans la tête à cause de lui.

« Non mais sérieux Aaron… Faut que tu lui refasses ta demande en mariage ! Tu connais les filles ? Non parce que je sais que toi tu t’en fous mais la pauvre Lulu, imagine sa tête quand les autres vont lui demander comment tu as fait ta demande… D’ailleurs tu l’avais mise où la bague ? Non en fait, tu sais quoi… Réponds pas, je veux pas savoir ! »

Aaron leva les yeux au ciel devant la réaction de Jenna. Ils étaient humains, après tout, elle imaginait quoi, qu'un couple ne faisait rien avant le mariage ? Il la regarda en soupirant.

Nan mais Jenna, tu crois quoi ? Si tu savais tout, vaudrait mieux pas que tu imagines tous les endroits où on a pu le faire ! Même à l'école, d'ailleurs...

Il la regarda avec son petit regard plein de malice, un petit sourire au coin des lèvres. Il savait que cette image répugnerait Jenna, mais les simples souvenirs de ces différents épisodes rappelaient à Aaron de nombreux bons moments...

Quoi, la redemander en mariage ? Non mais ça va pas bien la tête ? C'est fait c'est fait, j'peux pas toujours être au top partout ! Et puis... Et puis la bague... Bah j'en avais même pas de toute façon ! Là, t'es contente ? Maiiiiis j'vais me rattraper sur le mariage, t'inquiètes pas... J'vais mettre le paquet... Sisisi, promis !!!

Oui, il avait fait une demande minable, c'est vrai... Même pire que ça. Mais c'était fait, c'était fait, on ne pouvait pas revenir dessus...

Et puis... Elle n'aura qu'à dire que... Que... Que je lui ai demandé alors qu'on passait une petite... soirée... tranquille tous les deux ! Ou alors que c'est un secret entre nous... Tu sais quoi ? T'auras qu'à lui demander, tu verras bien ce qu'elle te dira !

C'était pas l'idée la plus brillante qu'il ai eu... Mais alors pas du tout.

Beurk ! Beurk ! Beurk ! Bien sûr que Jenna ne voyait pas Aaron comme un moine mais elle n'avait pas envie non plus de l'entendre se vanter de tous les endroits où lui et Lucila, sa petite Lucila toute mimi, avait bien pu copuler. La dernière chose qu'elle voulait c'est bien être forcée de les imaginer en train de le faire un peu partout dans le château ! Au sourire malicieux et particulièrement fier de lui de Aaron, la jeune femme lui répondit avec son regard dépité avant de le repousser mollement. Même à l'aube de la quarantaine, ce mec ne changerait pas ! La preuve, maintenant il faisait la tête de mule.

« Elle est naze ton idée, Don Juan ! M'enfin si ça dérange pas Lulu après... J'ai rien à ajouter ! N'empêche j'ai vraiment hâte de voir sa tête quand les autres vont lui demander comment t'as fait ça. Elle va être rouge pivoine la pauvre... En plus comme elle sait pas mentir proprement, tout le monde va tilter... »

Les mains contre son ventre, Jenna se bidonner en imaginant la scène dans la salle des profs. Le père Granville complètement largué alors que les autres ne seront plus ou se mettre. Si jamais ça devait arriver, Lucila allait en faire baver à Aaron, Jenna était prête à le parier.

« Non mais tu sais quoi... Je vais faire comme t'as dit... J'irais la voir pour lui demander, histoire qu'on mette au point son gros bobard pour pas qu'elle t'imagine à poil en pleine action à chaque fois que quelqu'un lui posera la question ! »

Ca aussi ça risquait d'être marrant tiens ! Elle qui avait toujours imaginé Lucila toute prude et sage. Attention, elle voulait pas les détails, beurk, beurk, beurk !

« Mais attends une minute ! Quand tu dis que tu vas mettre le paquet pour votre mariage... T'entends quoi par là ? Je te préviens ! Je t'interdis de m'obliger à porter une de ces horribles robes de demoiselle d'honneur en satin rose fuschia... Je me suis déjà forcée pour le mariage de mon frère mais pour toi c'est hors de question ! »

Elle eut des frissons juste de repenser à cette horrible chose que sa belle-sœur l'avait forcé à mettre y a de ça trois ans.

Aaron éclata de rire devant la réflexion de Jenna. Acquiesçant, il ne se voulait pas spécialement rassurant.

Oooooh oui, bien sûr que je veux que tu portes une magnifique robe rose bonbon en taffetas avec de grosses fleures !!! Ca ira tellement bien avec tes cheveux !!!

Posant sa main sur l'épaule de son amie, il éclata de nouveau de rire.

Mais nooooon, ne t'en fais pas, va... Tu n'auras pas besoin de porter une robe spécifique... Enfin je ne pense pas... A moins que Lucila le veuille...? Naaaaaaaaaaaannnnn elle fera pas ça...

Aaron se leva alors, posant ses mains sur ses hanches. Il regarda sa montre et, un petit sourire au coin des lèvres, il dit.

Bon, j'ai un entraînement privé avec les deux batteuses de Lutra qui m'ont demandé de superviser leur technique... Des fois je me dis que je fais peut-être un peu trop de favoritisme avec elles...

C'était peut-être un peu vrai... Mais elles faisaient tout pour ça aussi, et leur motivation n'avait d'égal que leur envie de s'améliorer, et Aaron aimait cette mentalité. C'était la meilleure manière d'arriver à ses fins.

Allez, ma belle... Réfléchis bien à la robe que tu vas porter ! Mais j'te préviens hein ! Je veux te voir en robe !!! Allez, à plus tard !

Il laissa alors son amie sur cette dernière impression. Il avait hâte de la voir en robe, ce serait presque aussi intéressant que le mariage lui-même !!!