Le jour était enfin venu. Les deux conjoints avaient mis un certain temps à se décider à quelle date, en quel lieu, à quelle heure, ils se marieraient. Nous nous trouvions en face de deux caractères plutôt forts. L’un qui se voulait plutôt simpliste, et l’autre qui avait horreur de la simplicité. Ils avaient alors trouvé un compromis. Un compromis normal, pas compliqué. Ils feraient un mélange des deux. De la singulière simplicité. C’était attendu, comme raisonnement, non ? Bon. Qu’importe.


Ils s’étaient alors décidés sur un petit espace vert, en bordure de Brocéliande. C’était un endroit très chaleureux, et vu la saison, ça le serait d’autant plus. Peu de personnes s’y rendaient d’habitude, malgré la splendeur du site : une très longue allée, d’à peu près une trentaine de mètres sur dix, délimitée par des haies de plus ou moins cinq mètres de haut, toutes taillées horizontalement, sans aucun dérapage. Le sol, quant à lui, était composé de petites dalles en pierre natures, aussi plates qu’une limande, mais aux contours irréguliers. Singulièrement, la façon de les placer, sûrement très travaillée, rendait compte un sentiment d’un grand d’ordre.

Enfin il ne restait plus qu’à décorer les lieux. Cela était principalement la tâche sur laquelle s’était penchée notre chère demoiselle. Elle avait installée plusieurs rangées, trois ou quatre, elle avait du mal à se décider, arceaux où elle avait fait pousser, même si cela n’était pas encore la saison, quelques plantes grimpantes, mais aussi des rosiers, rouges. Concernant le sol, elle avait installé de nombreuses rangées de chaises blanches, distribuées en cinq colonnes, et tout en laissant au centre une longue allée, pour alors faire défiler la jeune mariée. Le sol où passera la jeune mariée ne sera, quant à lui, pas avec un long tapis rouge, ni bordures dorées ni quoi que ce soit de plus que des dalles soigneusement polies et nettoyées. Elle ne voudrait quand même pas en faire trop.

La suite se déroulerait alors derrière les haies, sur la droite en regardant vers l’estrade des mariés. C’est un endroit déjà beaucoup plus grand, autant en largeur qu’en longueur. Au cas où, ils avaient installés une immense tente, si jamais la pluie venait à tomber, pour protéger les invités. De même de longues tables avait étaient disposées, toutes parsemées de petites pétales de roses rouges, et de bouquets de fleurs.

Tout a l’air fin prêt…, murmura Margueritte. Il ne reste plus que les invités, et ce cher futur mari…

Alors, elle se tourna vers sa tente, où ses demoiselles d’honneur l’attendaient, avec sa robe. L’horaire avait été convenu pour le matin. Pas trop tôt, néanmoins. Vers les dix heures à peu près. Les invités n’allaient encore pas tarder… « L’aube d’un jour nouveau », qu’elle disait. Oui… L’aube d’un jour nouveau…

Enfin, le grand jour était arrivé, après quinze ans d'attente, et un dîner dans l'angoisse. Niels et Marguerite allaient se marier. Ce mariage, que Niels préférait simple et Margot compliqué, allait avoir lieu aux alentours de Brocéliande, dans une petite clairière verte, comme Niels les aimaient tant. Niels et quelques amis à lui, dont Scott son ami d'enfance, avaient d'ors et déjà dressés une grande tente à quelques pas de l'allée du mariage, au cas où une averse non prévue se dirigerait vers eux. A l’extérieur, un grand buffet facilement déplaçable était là, et les invités n'auraient qu'à venir se servir et à s'installer sur une des tables, sous le chapiteau.

De son côté, Niels n'avait pas invité beaucoup de monde. Sa sœur, Mélissa, son frère, Isaac et ses parents allaient venir, ainsi que la femme et le fils d'Isaac, et quelques amis à lui. Il n'était pas du genre à avoir cinquantes amis, donc ses invités se comptaient sur les doigts de quelques mains.

A l'aide de Scott et d'Isaac, Niels avait déjà revêtu un ravissant costume de marié, et il attendait à présent derrière les arbres en compagnie de sa mère, d'où ils partiraient ensuite pour rejoindre sa future femme.

Enfin, les premiers invités commencèrent à arriver. Au bout d'un vingtaine de minutes, ils étaient tous là, en train de discuter, et il fallut que le père de Niels sonne, tous droit arrivé de Grande-Bretagne, sonne la cloche et demande aux invités de s’asseoir pour qu'ils se taisent.

Puis, Niels et sa mère entrèrent dans l'allée dallée, et se dirigèrent vers l'estrade.

C'est le jour. C'est le moment. A partir de cet instant, tout va changer, mon enfant. Plus rien ne sera comme avant, surtout avec ton futur époux. Tout va changer. Votre vie à deux, vos discutions, vos travaux respectifs. Il usera de prétextes tels que "on est mariés" pour te faire changer d'avis, il fera parfois la tronche. Il finira par vouloir des gosses. Il n'assumera peut-être pas jusqu'au bout toutes les erreurs qu'il a fait. Et pourtant, tu veux continuer. Tu veux l'épouser. T'es un peu masochiste, ma Margot, je me trompe ?

Tel est le discours que se répétait la jeune femme depuis plus d'une dizaine de minutes. Pourtant elle restait bien plantée là, sur le côté gauche de l'estrade, cachée à la vue des (pas assez ?) nombreux présents. Elle a le trac, ça se voit. Soudain la cloche sonne. Son beau-père rassemble les troupes. Ils ne vont pas tarder à arriver. Elle se prépare, et se souvient alors de son père. Il lui avait promis de l'accompagner un jour sur l'estrade, au moment le plus important de sa vie. Mais voilà qu'il n'est pas là. Non. Elle s'en souvient encore. Sa mère est à côté d'elle. Elle lui prend la main, lui sourit. Mais elle ne l'accompagnera pas jusqu'à l'estrade, elle ne peut pas. Elle n'en a pas le courage. Soit. Tant pis, sa fille ne lui en voudra pas.

Elle l'entends, son mari approche. Il est tout près de l'estrade. Il arrive dessus, puis tourne le regard vers la jeune mariée. Elle le rejoind, lentement. Mais elle garde la tête haute, le regard fier, mais laisse apparaître un petit sourire, sur le coin de ses lèvres. Mais... que veut-il dire ? Telle est la question.

Elle arrive à son niveau. Ils sont l'un en face de l'autre. Elle le regarde.

Arrivant enfin sur l'estrade, le prêtre commence à dire son long monologue. Niels, sans vraiment l'écouter, regarde Margot dans les yeux. Elle le regarde aussi. Elle est magnifique (Comme toujours), dans sa grande robe blanche. Enfin, le prêtre dit sa tirade la plus connue : "Vous pouvez embrasser la mariée". Alors Niels embrassa Margot comme il ne l'avait encore jamais fait. Ce baiser fût le meilleur qu'il n'eut jamais eu, et il savait qu'il n'en aurait plus jamais d'aussi agréable.

-Voila, c'est fait, lui murmura-t-il.

Puis, main dans la main, ils redescendèrent de l'estrade, sous les applaudissement de leurs invités, qui se levèrent pour profiter de la fête. Le bruit revint. Niels se dirigea alors vers le buffet en compagnie de la mariée, ils remplirent lurs assiettes et vinrent s'assoir à une table en compagnie de leurs amis. Du côté de Niels, il n'y avait que Scott. Oui, comme je le disait, il n'a jamais été très social...

-Alors, ça fait quoi d'être marié? demanda Scott.

-Et bien, pas grand chose finalement. On a simplement une bague au doigt en plus ! dit Niels en souriant. Et pour toi Margot?

Il la regarda, et pris sa main qui était posé sur la table.

Toutes les étapes passèrent très, très, très lentement pour la jeune Sorcière. Elle avait tant attendu cet événement depuis sa plus tendre enfance, et maintenant, maintenant....

C'était un petit peu comme ces bonhommes en plastiques qu'on voit dans les vitrines, étant enfants. De loin, ils nous semblent magnifiques, on les envie terriblement. On voudrait les avoir dans les mains, jouer avec. On aurait tout de suite idée qu'on resterai pour toujours heureux, si on possédait de tels jouets. Et puis... notre parent revient de la boutique, l'objet en main. On salive, puis on le prend, et on comprend son intrigante et répugnante normalité. On commence à pleurer parce que le rêve est immensément plus beau que la réalité. Au point qu'on en soit dégoûté. On finit alors par le jeter sur le bas-côté.

Dans le cas présent, c'était... plus ou moins comparable. Margot en avait rêvé, de son mariage. Mais là elle était... presque déçue. Mais ne le montrerait pour rien au monde. Elle se contentait de sourire, observant son époux sans lâcher un mots. Elle l'observait avec tendrement, avec force. Et malgré tout, malgré les reproches de cette illusion gâchée, elle l'aimait, totalement, tendrement, éperdument. « Je le veux. » Ces simples trois mots, qui bouclent notre vie pour longtemps... Hm. Ils étaient passés vites.

Les jeunes mariés se retirèrent alors pour rejoindre une table, sous l'estrade. Qu'est-ce que ça faisait d'être mariée ? Perdre ses rêves d'enfance ? Rentre triste ? Déçue ? Ce n'est pas ce que Niels ou Scott aimeraient entendre. Ce n'est pas ce que Margot aimerait dire. Mais c'est ce que Margot ressentait... Illusion perdue...

- C'est... (Elle souriait bêtement.) c'est comme un nouveau jour, qui se lève à l'Est... et qui paraît ne jamais se recoucher...

Idiote. Profonde idiote... Ne jamais se recoucher ? Sérieusement... La Sorcière laissa échapper un soupir profond qui paraissait, de l'extérieur, comme une grande sensation de plaisir, mais pour elle, cela touchait presque à de l'exaspération.

De son côté, il n'y avait pas grand monde au mariage. Quelques amis, des membres du Conseil et du Département qu'elle connaissait, mais personne de bien spécial. Elle soupira à nouveau. Cela n'allait pas s'arranger maintenant....